Céréales à paille : Retarder les semis dans les parcelles très infestées en vulpins

Comme en ray-grass, le décalage de la date de semis des céréales à l’automne 2016 a permis de réduire les populations de vulpins et donc de faciliter leur contrôle par différentes applications herbicides. Présentation des résultats sur trois sites.

L’impact du décalage de la date de semis est d’autant plus important que la modalité herbicide appliquée a une efficacité limitée. Il est plus marqué sur vulpins que sur ray-grass :
• un décalage de 20 jours en octobre apporte en moyenne 85 % de réduction des populations de vulpins et 50 % en ray-grass (1 essai),
• un décalage de 20 à 30 jours de fin octobre à mi/fin novembre apporte 70 à 90 % d’efficacité en vulpins et 90 % en ray-grass,
• un décalage de 40 à 55 jours entre un semis début octobre et un courant novembre permet de réduire de plus de 95 % les populations de ray-grass et de vulpins.

Pour les vulpins, ces résultats ont été obtenus sur trois sites. Dans l’un, trois dates de semis ont été comparées. Dans les deux autres, seuls deux dates ont été évaluées.

Tableau 1 : Caractéristiques (dates de semis, variétés) des essais mis en place

Dans le Cher, à Saint-Ambroix

Tableau 2 : Modalités herbicides appliquées en 2017 pour chaque date de semis dans l’essai de Saint-Ambroix (18)

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Pour chaque modalité herbicide appliquée, les efficacités sont en faveur de la date de semis tardive, suivie de l’intermédiaire puis de la précoce. Les solutions comprenant un rattrapage en sortie d’hiver ont des écarts d’efficacité réduits (moins d’un point). La modalité Défi + Flight apparaît la plus variable, en fonction des dates de semis, avec une efficacité de 55 % en date de semis précoce et de 91 et 93 % respectivement en semis intermédiaire et tardif.

Le semis tardif permet un investissement herbicide plus faible pour un désherbage efficace. De plus, il est le seul qui permette d’atteindre un niveau de propreté total. Avec un décalage de 22 jours de la date d’implantation, le témoin non traité en semis intermédiaire présente la même efficacité qu’un investissement herbicide de 78 € (Fosburi + Tolurgan 50 SC par exemple) en semis précoce.

Figure 1 : Comparaison des efficacités sur vulpin en croisant « dates de semis x programme herbicides » – Essai vulpin 2017 à Saint Ambroix (18)

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Côté rendements

Les rendements de l’essai sont représentatifs de l’année 2017 en Champagne Berrichonne avec un effet marqué de la précocité (figure 2). Les semis précoces ont été moins impactés par les fortes chaleurs de la fin de cycle. Logiquement, ils ont eu tendance à mieux s’en sortir que les semis intermédiaire et tardif. En considérant les meilleurs rendements obtenus pour chaque date, le semis précoce obtient 5 quintaux de plus que les semis tardifs et intermédiaires, qui font jeu égal (65 q/ha).

En ne considérant que les rendements des témoins, la nuisibilité des vulpins est de 38 q/ha en semis précoce alors qu’elle tombe à 8,5 q/ha en semis intermédiaire et à moins de 1 q/ha en semis tardif. Cette nuisibilité est bien entendu en lien avec les densités des adventices observées (305 plantes/m² en semis précoce contre seulement 5 plantes/m² en semis tardif).

Figure 2 : Résultats rendements bruts – Essai vulpin 2017 à Saint Ambroix (18)

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P : Prélevée – Post : postlevée 1-2F – SH : sortie d’hiver – NT : Non traité

Raisonner la stratégie en fonction des résistances

Les essais menés sur vulpins en 2016 et 2017 permettent de définir les stratégies optimales en fonction de l’état de résistance des vulpins de la parcelle considérée (figure 3).

En situation AVEC résistance avérée aux solutions de sortie d’hiver (groupe A et/ou B) 

Dans ce cas, les seules solutions chimiques utiles sont celles d’automne, les modalités avec sortie d’hiver sont inutiles.

Dans cette situation, le créneau de semis du 25 octobre au 5 novembre semble être le meilleur compromis. Il permet d’assurer un semis suffisamment précoce pour réaliser une double application d’automne (prélevée puis post précoce 1/2F) avant le 31 décembre.

Figure 3 : Produits – coûts herbicides en fonction des notes de satisfaction obtenues – Prix du blé : 145 €/t – Synthèse des essais vulpin 2016 et 2017 à Saint Ambroix (18) sans sortie hiver

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Les deux modalités de postlevée 2017 ont été moyennées dans les graphiques qui suivent.


En situation SANS résistance avérée aux solutions de sortie d’hiver (groupe A et/ou B) 

Attention ! Si une dérive d’efficacité est constatée les précédentes années sur la parcelle et que les seules solutions de sortie d’hiver n’atteignent plus 100%, il est fort possible que la population de vulpins commence à présenter des phénomènes de résistance. Dans ce cas, il est impératif de passer avec des solutions chimiques en programme combinant Automne puis Sortie d’hiver (figure 4).

Dans tous les cas, en situation de forte pression vulpin, les programmes automne puis sortie d’hiver sont indispensables pour viser le 100 % d’efficacité !

Figure 4 : Produits – coûts herbicides en fonction des notes de satisfaction obtenues – Prix du blé : 145 €/t – Synthèse des essais vulpins 2016 et 2017 à Saint Ambroix (18) avec sortie hiver

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Dans cette situation (forte pression sans résistance avérée), afin de ne pas pénaliser fortement le rendement, tout en bénéficiant du levier dates de semis, le créneau le plus adapté se situe du 20 octobre au 30 octobre. La mise en œuvre d’un programme est indispensable en privilégiant la postlevée précoce 1 à 2 feuilles (plutôt que la prélevée) puis la sortie d’hiver.

Dans l’Allier, à Saint-Pourçain-sur-Besbre

Tableau 3 : Modalités herbicides appliquées pour chaque date de semis dans l’essai de Saint-Pourçain-sur-Besbre (03)

Pour chaque modalité herbicide appliquée, les efficacités notées sont à l’avantage de la date de semis la plus tardive (figure 5). Des gains de 30, 15 et 10 points sont observés pour les trois modalités herbicides étudiées. Le levier agronomique, c’est-à-dire le décalage de la date de semis, est d’autant plus fort que le levier de lutte herbicide est faible.

Cependant, même avec un désherbage, son impact ne reste pas neutre : avec une application en programme (Défi + Flight rattrapée par Daiko + Fosburi + H), pour un écart d’efficacité de 10 points, on comptabilise 120 vulpins/m² en date précoce contre aucun en date intermédiaire.

La date de semis du 31 octobre sans traitement permet d’atteindre une efficacité proche de celle d’un investissement de 90 € à l’automne (modalité Daiko 2,25 l + Fosburi 0,6 l + H 1 l) effectué sur la date de semis précoce. A noter également, que les 100 % d’efficacité sont obtenus uniquement sur la seconde vague de semis.

Figure 5 : Comparaison des efficacités sur vulpins en croisant « dates de semis x programmes herbicides » – Essai vulpin 2017 à Saint-Pourçain-sur-Besbre (03)

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Meilleurs rendements pour une date de semis fin octobre

En semis précoce, le rendement du témoin atteint 14 q/ha (figure 6). L’application unique de prélevée est en grande difficulté avec seulement 23 q/ha de rendement. La modalité de postlevée seule fait gagner 54 q/ha avec un rendement à 68 q/ha. La meilleure modalité s’avère être la double application d’automne (+ 57 q/ha).

Pour un semis de fin octobre, le rendement du témoin s’élève à 33 q/ha, soit plus 19 quintaux par rapport à la première date. L’application unique de prélevée fait gagner 28 q/ha. Viennent ensuite le traitement de postlevée précoce solo et la double application d’automne, qui affichent les mêmes rendements à un quintal prés (68-69 q/ha).

Figure 6 : Résultats rendements bruts – Essai vulpin 2017 à Saint-Pourçain-sur-Besbre (03)

En Charente-Maritime, à Saint-Félix

Tableau 4 : Modalités herbicides appliquées pour chaque date de semis dans l’essai de Saint-Félix (17)

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Les hautes performances des applications d’Atlantis Pro (100 %) ne permettent pas de mettre en évidence l’impact potentiel du décalage de la date de semis sur les efficacités des trois modalités intégrant ce produit (l’application solo et les deux programmes étudiés).

Grâce aux très bonnes conditions lors des applications d’automne, les niveaux d’efficacité obtenus sont importants. Ainsi, respectivement sur les semis intermédiaires et tardifs, l’association de Défi 3 l + Mamut 0,2 l atteint 92 et 95 % d’efficacité ; le mélange Daiko 2,25 l + Fosburi 0,6 l + H 1 l, 91 et 100 %. Le décalage de la date de semis permet des gains de 3 et 9 points d’efficacité en semis tardif par rapport au semis intermédiaire.

Figure 7 : Comparaison des efficacités sur vulpin en croisant « dates de semis x programmes herbicides » – Essai vulpin 2017 à Saint-Félix (17)

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Décaler la date de semis, oui, mais…

L’idée n’est cependant pas de basculer sur la préconisation généralisée de ces dates de semis tardives ou intermédiaires. Ces pratiques sont efficaces mais sont à mettre en œuvre sur les parcelles très infestées (échec de désherbage et/ou problèmes de résistance) afin d’appliquer les solutions herbicides dans les meilleures conditions, c’est-à-dire sur des populations réduites. Le risque « économique » à l’échelle de l’assolement est limité même en cas d’automne humide avec des plages de semis tardives réduites.

Il est encore courant d’observer des implantations ultra-précoces dans les secteurs les plus infestés et sans contraintes particulières vis-à-vis des plages de semis. Sur ces parcelles très infestées, le niveau de salissement doit être un des critères de choix de la date de semis et donc de sa variété. En effet, il ne faut pas oublier d’adapter sa variété (précocité) à la plage de semis prévue.

Si la date de semis ne peut pas être fortement décalée, il conviendra, en situation de semis intermédiaire, de compléter cet effet par la mise en œuvre d’autres leviers agronomiques.

Enfin, rappelons qu’à sensibilité équivalente, quel que soit l’herbicide, celui-ci sera toujours plus performant sur faibles populations d’adventices.

Il est utopique de penser que, sur une population moyenne à forte, la chimie soit le seul salut !

Ludovic BONIN, Lise GAUTELLIER VIZIOZ (ARVALIS – Institut du végétal)

 

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