Valoriser les maïs fourrage 2015 dans les rations

mais_fourrageLa qualité des maïs fourrage 2015 très variable pose la question de leur conservation et de leur valorisation dans les rations.

2015 : année chaude et très sèche dans l’Est

Pour un grand tiers nord-est de la France, depuis le sud de la Picardie jusqu’à la région Rhône-Alpes en passant par le Centre et l’Auvergne, l’année climatique 2015 se caractérise par une période de fort déficit pluviométrique du 10 mai jusqu’à la fin août et par des températures élevées (> 30°C) dès la deuxième décade de juin et ce jusqu’à la fin du mois d’août.

Suivant l’intensité du stress hydrique et le stade du maïs, les effets sur les plantes ont pu être différents : un déficit précoce avant floraison a limité le gabarit des plantes, un stress autour de la floraison a limité la mise en place des épis et des ovules. Pendant la floraison, ce stress hydrique (accentué par les fortes chaleurs) a pu perturber la concordance d’émission de pollen et de la sortie des soies et réduire ainsi le nombre d’ovules fécondés. Par la suite, jusqu’au stade limite d’avortement des grains, ces conditions climatiques ont certainement causé la régression de ces futurs grains.

Le retour des pluies fin août a pu limiter les pertes en assurant un remplissage plus ou moins complet des grains présents, sous réserve de la présence de feuilles vertes pour assurer la photosynthèse.

Au sein d’une même région, les plantes ont réagi de manière très variée, selon la qualité de la préparation, la structure du sol, la présence d’un précédent (ray-grass détruit tardivement ) et enfin selon la date de semis. Pour ce dernier critère, les semis tardifs (courant mai) n’ont pas permis un enracinement suffisamment profond avant le stress hydrique : ils ont encore plus souffert de ces conditions climatiques.

 

Une composition des maïs fourrage 2015 très variable

En fonction des conditions de végétation du maïs et du stade de récolte, la composition chimique des maïs 2015 est assez différente du maïs fourrage « standard ».

Dans les situations les plus critiques, les premiers maïs ont été ensilés dès la première décade d’août : il s’agissait le plus souvent de plantes relativement courtes (1,30 m à 1,50 m), desséchées (à 60-70 %), avec peu voire pas de grains et de surcroît un remplissage inachevé.

La teneur en amidon de ces maïs est donc très faible avec pour un grand nombre d’entre eux des valeurs inférieures à 15 %.

A l’inverse, pour des maïs récoltés plus tardivement (début septembre) avec un nombre de grains corrects et un bon niveau de remplissage, les teneurs en amidon dépassent les 25 %.

La teneur en sucres solubles est également très variable selon l’état de l’appareil végétatif et la présence ou non de grains. Elle est en moyenne plus élevée que les années précédentes, le stress hydrique ayant conduit à un stockage de ces sucres dans la plante. Certaines plantes présentent des teneurs en glucides solubles de 15 à 20 % de la MS pour des teneurs en amidon inférieurs à 10 % !


Figure 1 : Une composition atypique des maïs fourrage 2015 : peu d’amidon et beaucoup de sucres solubles

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Analyses réalisées sur des maïs immatures en cours de dessèchement au cours de l’été 2015 (entre juillet et août). La zone en pointillés correspond aux valeurs habituelles.

Des valeurs alimentaires malgré tout assez bonnes

Les maïs de la zone Est, les plus touchés par la sécheresse et les fortes températures, se caractérisent tout d’abord par une forte variabilité de leur teneur en MS. Cela a conduit à des ensilages humides qui ont « coulé » ou à l’inverse des ensilages secs très difficiles à tasser.

La digestibilité enzymatique de l’appareil végétatif (dMOna) est en général élevée : le stress hydrique est intervenu à un stade précoce (autour de la floraison) sur des plantes jeunes dont les tissus étaient peu lignifiés. Ainsi, malgré une teneur en amidon en retrait, la bonne digestibilité des tiges + feuilles permet aux maïs 2015 d’afficher une très bonne valeur énergétique (0,93 UFL en moyenne) masquant cependant une forte variabilité.

Ces maïs se caractérisent également par une teneur en MAT plus élevée qu’en 2014 liée essentiellement à un faible taux de dilution de l’azote dans la plante et à des fertilisations azotées adaptées à des niveaux de rendement de 20 à 50 % plus élevés. Les valeurs azotées PDIN et PDIE des maïs sont élevées avec parfois + 10 à + 20 g/kg MS de PDIN et + 5 g/kg MS de PDIE par rapport à 2014.

Cette année, plus que jamais, l’analyse de fourrage reste incontournable et permettra de situer plus précisément les valeurs énergétiques et azotées de ces maïs afin d’adapter les rations à leurs caractéristiques.

Valoriser les maïs 2015 dans les rations lait et viande

Pour élaborer des rations tant en production laitière qu’en production de viande, les maïs 2015 peuvent être regroupés en trois classes en fonction de leur teneur en amidon et de la digestibilité des tiges et des feuilles.

1/ Les maïs avec une bonne valeur énergétique, des fibres très digestibles mais une teneur assez faible en amidon doivent être complémentés avec des concentrés riches en amidon (céréales) et des fourrages fibreux (foin, paille) ;

2/ Les maïs avec une bonne valeur énergétique, une teneur en amidon élevé mais des fibres assez peu digestibles nécessitent l’ajout de fourrage fibreux très digestibles et des concentrés peu riches en amidon ;

3/ Les maïs avec une faible valeur énergétique liée à un déficit en amidon ou à un faible niveau de digestibilité des tiges et feuilles, sont à complémenter avec des céréales pour des teneurs faibles en amidon (inférieur à 25 %). Sinon, ils sont complémentés par des pulpes ou des coproduits. Dans tous les cas, ces maïs sont à réserver en priorité aux animaux à faible besoin.

Pour rappel, il est essentiel de ne pas dépasser le seuil des 22-23 % d’amidon dans la ration des vaches laitières. Cela est d’autant plus vrai cette année que les teneurs en glucides solubles, qui sont rapidement fermentescibles dans le rumen, sont élevées.

Pour les maïs riches en PDIN (fortes teneurs en MAT), il est possible de diminuer nettement les quantités de correcteur azoté.

Attention à la conservation et aux stocks !

Compte-tenu des fortes teneurs en glucides solubles à la récolte, ceux-ci ne seront pas totalement consommés lors de la phase d’acidification. Ce substrat pourra alors permettre un développement non désiré de levures et de moisissures si le front d’attaque n’avance pas assez vite et/ou si les températures sont élevées. De plus, dans le cas de maïs avec peu d’amidon et une part de feuilles sèches importantes, le tassement a souvent été moins efficace que les années précédentes. On peut craindre une moindre densité des silos et donc plus d’air dans la masse du fourrage. La stabilité à l’ouverture sera donc moins bonne que d’habitude.

Comme les densités du maïs au silo sont plus faibles que d’habitude, il convient de bien évaluer les tonnes de MS d’ensilage de maïs stockées et d’anticiper rapidement par des achats (fourrage, coproduits) si besoin pour éviter une rupture de stock. L’ajout d’un fourrage complémentaire à la ration est vivement conseillé cet hiver pour permettre de réduire la consommation de maïs.

Didier DELEAU (ARVALIS – Institut du végétal)

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