Céréales : comment gérer le risque DON ?

Dès l’implantation, la mise en œuvre des leviers agronomiques disponibles (choix variétal, travail du sol, broyage des résidus…) réduit fortement le risque d’attaque par la fusariose des épis causée par Fusarium graminearum et Fusarium culmorum ; responsables de la production de fusariotoxines de type déoxynivalénol (DON). La lutte chimique (fongicide positionné début floraison) ne doit pas être systématique et dépend du risque agronomique et climatique.

Les fusariotoxines sont des toxines produites par des champignons du genreFusarium. Ces champignons attaquent les céréales à paille et provoquent des symptômes sur épis caractéristiques  de la fusariose. Les symptômes des fusarioses sont décrits dans les fiches accidents. Les principales mycotoxines qui résultent de ces champignons sont le déoxynivalénol (DON), la zéaralénone (ZEA) et les toxines T-2 et HT-2. La toxine la plus couramment rencontrée dans les céréales françaises est le DON qui touche plus spécifiquement les blés, avoines et triticales. Les mycotoxines sont des molécules très stables dans le temps et ne peuvent être détruites par les procédés de transformation habituels. Ainsi, on peut les retrouver tout au long de la chaîne alimentaire. Des effets néfastes à haute dose ont été démontrés sur les animaux.

Depuis 2006, une réglementation européenne fixe les limites autorisées en alimentation humaine pour le déoxynivalénol (DON) et la zéaralénone (ZEA). Le taux maximal de DON autorisé dans les céréales brutes est de 1250 µg/kg pour le blé tendre et 1750 µg/kg pour le blé dur. En alimentation animale, il s’agit actuellement de recommandations.


Comment ça marche ?

Depuis la mise en placeDepuis la mise en place de la réglementation mycotoxines en 2006, les niveaux de contamination varient fortement selon les années (par exemple forts niveaux de contamination constatés en 2007 et dans une moindre mesure en 2008). Les enquêtes qualité sanitaire sont réalisées après la récolte et ne permettent pas d’anticiper le risque. Aussi, des outils ont été mis au point pour aider les organismes économiques à gérer le risque DON. Myco-LIS® permet de conseiller les agriculteurs en accompagnant la prise de décision et le positionnement optimal du traitement. Il permet à un organisme collecteur d’anticiper la qualité de la collecte et de mettre en place un plan de surveillance; pour ensuite construire sa stratégie logistique et de mise sur le marché. Pour aider les agriculteurs dans leur décision de traitement à la parcelle, des grilles d’évaluation des risques agronomiques sont également proposées. Quels en sont les facteurs ?

Le climat joue un rôle prépondérant dans le cycle du champignon, de la maturation des spores à la production de toxines par le champignon, en passant par le développement sur l’épi. Ainsi, de la pluie et/ou des hygrométries saturantes à partir de la fin de la montaison, associées à des températures supérieures à 10°C, favorisent la maturation des périthèces sur les résidus de culture, et par conséquent l’émission d’ascospores transportées par le vent vers les épis. Des humidités relatives de l’air élevées permettent la contamination de l’épi. Lors de la floraison du blé, les pièces florales s’entrouvrent, libérant le pollen : c’est le stade le plus sensible de la céréale. Les symptômes apparaissent 2 à 3 semaines après floraison. Les traitements ne peuvent donc être que préventifs. D’où l’importance de bien prendre en compte le risque agronomique dans la décision de traitement.


 Les références expérimentales ARVALIS

Des expérimentations et des enquêtes au champ menées entre 2001 et 2010 ont permis de déterminer les éléments de maîtrise du risque de développement du Fusarium et de production de toxines; et de pondérer leur impact relatif. Un jeu de données issues d’enquêtes au champ rassemblant près de 1800 parcelles avec un grand nombre de renseignements (conditions pédoclimatiques, pratiques agronomiques) a permis de construire des outils d’aide à la décision.


Impact des résidus de culture du précédent

La quantité de résidus présents à la surface du sol lors de la floraison du blé a un impact direct sur la teneur en DON si le climat est favorable par la suite. En l’absence de labour, un broyage fin des résidus de la culture précédente suivi d’un enfouissement superficiel des résidus (type déchaumage) est recommandé pour faciliter leur décomposition. Ces techniques sont fortement préconisées en précédent maïs ou sorgho ou millet. En revanche, elles ont peu d’impact sur blé tendre derrière les autres précédents, moins favorables au développement de fusarioses sur blé.


Figure 1  : Effet du labour en fonction du précédent sur la teneur en DON du blé (Enquêtes nationales 2001-2010 : N = 1798)


Figure 2 : Effet du broyage et de l’enfouissement des résidus de maïs avant implantation du blé sur la teneur en DON (Essai travail du sol – Boigneville)


Impact du choix variétal

La tolérance variétale à la fusariose est devenue un critère important dans la sélection des nouvelles variétés. Les variétés les plus sensibles ne sont pas recommandées dans les situations à risque agronomique élevé. A l’inscription, une note de tolérance à la fusariose des épis (note CTPS) est attribuée, elle est basée sur l’observation des symptômes visuels. Des essais de post-inscription permettent ensuite de caractériser la résistance à l’accumulation de la DON (3 essais par an avec contamination par cannes de maïs sur deux années). ARVALIS publie annuellement le classement de sensibilité des variétés à l’accumulation en DON (Cf. Edition Choisir et Décider 2).
Les variétés sensibles à la fusariose des épis sont en tendance les plus contaminées en DON. Les variétés peu sensibles à la fusariose des épis sont celles qui présentent un risque moins élevé d’accumulation en DON. La corrélation n’est cependant pas absolue entre classement fusarioses et classement DON.


Figure 3 : Effet de la sensibilité variétale sur la teneur en DON (Enquêtes nationales 2001-2010 : N = 1797)

 


Impact du climat autour de la floraison

Dans le cas du blé tendre, la décision finale de traitement devra prioritairement tenir compte du climat pendant la période qui entoure la floraison (+/- 7 jours). En effet, le climat reste prépondérant dans les contaminations par les fusarioses. Une forte humidité ou une période significativement pluvieuse durant cette phase pourra conduire à décider d’un traitement fongicide en fonction du risque agronomique. Cela implique de prendre en compte des prévisions météorologiques pour décider du traitement, celui-ci devant intervenir début floraison (sortie des premières étamines).
Dans le cas du blé dur, le traitement épi doit être systématisé, étant donné la forte sensibilité de l’espèce aux fusarioses ; mais des conseils agronomiques et de choix de variétés moins sensibles sont donnés.


Figure 4 : Somme des pluies autour de la floraison et risque de dépassement en DON (Enquêtes nationales 2001-2010 : N = 1784)


Les préconisations d’ARVALIS

Grille d’évaluation du risque d’accumulation du déoxynivalénol (DON) dans le grain de blé tendre et d’aide au traitement contre la fusariose sur épi (Fusarium graminearum et F. culmorum)


La grille blé tendre estime le risque de 1, risque DON le plus faible, à 7, risque DON le plus fort. Une variété est dite sensible si sa note d’accumulation en DON est inférieure ou égale à 3.5 et elle est dite peu sensible si cette note est supérieure ou égale à 5,5.
*Pour limiter la présence de l’inoculum, il convient de réduire au maximum la présence de résidus lors de la floraison des blés. Pour cela, plusieurs possibilités, le labour permet un bon enfouissement des résidus mais d’autres techniques permettent un résultat proche du labour comme par exemple un broyage fin et une incorporation superficielle des résidus rapidement après récolte.
**T = parcelles conseillées au traitement.

Blé tendre – Recommandations associées à chaque niveau de risque :
1 et 2 : Le risque fusariose est minimum et présage d’une bonne qualité sanitaire du grain vis-à-vis de la teneur en DON. Pas de traitement spécifique vis-à-vis des fusarioses quelles que soient les conditions climatiques.
3 : Le risque peut être encore minimisé en choisissant une variété moins sensible. Traiter spécifiquement vis-à-vis des fusarioses en cas de climat humide (cumul de pluie > 40 mm pendant la période entourant la floraison).
4 et 5 : Il est préférable d’implanter une variété moins sensible ou de réaliser un labour pour revenir à un niveau de risque inférieur. A défaut, effectuer un broyage le plus fin possible et une incorporation des résidus rapidement après la récolte. Pour ces deux niveaux de risque, envisager un traitement spécifique vis-à-vis des fusarioses, sauf si le climat est très sec pendant la période de floraison (cumul de pluie < 10 mm pendant les +/- 7 jours entourant la floraison).
6 et 7 : Modifier le système de culture pour revenir à un niveau de risque inférieur. Labourer ou réaliser un broyage le plus fin possible des résidus de culture avec une incorporation rapidement après la récolte sont les solutions techniques les plus efficaces et qui doivent être considérées avant toute autre solution. Choisir une variété peu sensible à la fusariose. Traiter systématiquement avec un traitement anti-fusarium efficace.

Grille d’évaluation du risque d’accumulation du déoxynivalénol (DON) dans le grain du blé dur (Fusarium graminearum et F. culmorum)



Blé dur – Recommandations associées à chaque niveau de risque :

Pour le blé dur, il est important de limiter au maximum le cumul des facteurs aboutissants à des risques élevés. Pour cela, le risque doit être anticipé au maximum avant l’implantation de la culture, à travers une gestion plus fine des résidus ou le choix d’une variété moins sensible. Une fois la culture implantée, la protection fongicide à floraison pourra encore diminuer ce risque. Néanmoins, les meilleures protections fongicides ne dépassent pas 60% d’efficacité.
Risque a : le risque est minimum et présage d’une bonne qualité du grain sanitaire vis-à-vis de la teneur en DON.
Risques b et c : le risque peut être encore minimisé en choisissant une variété moins sensible ou en améliorant la finesse de broyage des résidus du précédent.
Risques d, e et f : nous vous conseillons de modifier le système de culture pour revenir à un niveau de risque inférieur. Modifier votre rotation ou labourer sont les solutions techniques les plus efficaces et qui doivent être considérées avant toute autre. A défaut, derrière maïs ou sorgho grain, réaliser un broyage complémentaire du broyage sous bec et une incorporation rapide des éléments fins obtenus le plus possible après récolte.

La proportion de parcelles avec des teneurs en DON supérieures aux limites maximales autorisées est bien corrélée au niveau de risque agronomique associé pour chaque classe de risque identifiée.

 Protection fongicide
Les traitements fongicides sont partiellement efficaces contre F.graminerarum etF.culmorum, mais sont un recours ultime puisque les meilleures protections fongicides arrivent seulement à 70 % d’efficacité. Il est donc toujours important de limiter au maximum le cumul des facteurs favorisant les maladies d’épis. Pour cela le risque doit être limité au maximum avant l’implantation de la culture (gestion des résidus, choix d’une variété peu sensible…).

Aude CARRERA, Jean Yves MAUFRAS, Claude MAUMENE, Benoît MELEARD (ARVALIS – Institut du végétal)