Orge d’hiver : quantité et qualité font défaut en 2016

UNS116261-04_576x383Les mauvaises conditions climatiques enregistrées en fin de cycle ont non seulement affecté lourdement le rendement mais également la qualité des orges d’hiver. Explications et analyses des résultats de la récolte 2016.

Selon les dernières estimations, la production française d’orges d’hiver en 2016 avoisine 7,8 millions de tonnes, tous débouchés confondus. Cela représente un repli significatif de plus de 20 % par rapport au record établi en 2015. En revanche, elle s’inscrit au niveau de la moyenne quinquennale : la hausse des surfaces (1,405 millions d’hectares) a compensé un rendement moyen fortement en recul (55,7 q/ha).

Les rendements sont globalement satisfaisants dans le Sud-Ouest et moyens à satisfaisants dans l’Ouest. Dans le Nord, le Centre et l’Est, ils sont décevants avec plus de 15 q/ha de moins par rapport à l’an dernier.

Figure 1 : Evolution des surfaces et des rendements en orge d’hiver – escourgeons observés en France depuis 1990

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Une campagne en deux actes

Au cours de la campagne 2015–2016, les orges d’hiver, d’abord sur une tendance prometteuse jusqu’à la fin du mois d’avril, ont vu leur rendement progressivement se dégrader en fin de printemps jusqu’au début de l’été sous l’effet du froid, de la pluviosité et du manque d’ensoleillement. Ces mauvaises conditions climatiques de fin de cycle ont également affecté la qualité des orges brassicoles : calibrages modestes et teneurs en protéines élevées imposent aux acteurs de l’aval un travail approfondi sur les grains. Sur ce marché spécifique, ce constat ne permet néanmoins pas encore d’avoir une vue précise de la situation globale, très dépendante des résultats de rendements et de la qualité des orges de printemps. Enfin, les PS sont corrects dans le grand Ouest mais assez faibles ailleurs.

Acte I : tout va très bien jusqu’à la mise en place des peuplements d’épis

Base de la réussite d’une orge d’hiver : s’implanter tôt en bonnes conditions. Après plusieurs automnes au climat chaotique, la majorité des semis sont réalisés précocement puis lèvent dans la foulée grâce à un retour des pluies et sous un régime de températures douces. Les conditions sont réunies pour réaliser des désherbages précoces avec des produits racinaires.

Les pucerons d’automne, vecteurs de la jaunisse nanisante, sont présents, durablement semble-t-il, en particulier dans l’ouest et le centre de la France.

A partir de novembre, les températures sont très douces. En conséquence, le tallage est abondant et le stade épi 1 cm arrive tôt dès les premiers jours de mars dans les situations précoces. Que ce soit courant tallage comme au stade épi 1 cm, il pleut suffisamment pour que les apports d’engrais azotés soient bien valorisés.

Puis la montaison s’engage sous un climat qui se refroidit, avec de fortes gelées fin avril dans l’Est, et sous un régime de pluies fréquentes. En conséquence, la montaison s’éternise mais reste favorable à la mise en place de peuplements épis non limitants dans tous les milieux.

Après avoir enregistré une avance d’une dizaine de jours sur la normale au stade épi 1 cm, les orges d’hiver finissent par épier avec autant de retard. Ces conditions sont très favorables au développement de la rhynchosporiose, d’autant plus que les deux variétés les plus cultivées, Etincel et Isocel, y sont particulièrement sensibles.

Acte II : à partir de l’épiaison, tout bascule dans la « nuit », le froid et la pluie

Après une fécondation relativement épargnée par le mauvais temps, le remplissage des grains se réalise sous un climat pluvieux, froid et sans ensoleillement du début du mois de mai jusqu’à la maturité physiologique, entre mi et fin juin. Dans ces conditions, par défaut de photosynthèse et de conditions poussantes, la taille des enveloppes des grains est petite et leur remplissage est limité. Dans le même temps, les épis sont affectés de symptômes, soit physiologiques, soit sanitaires, soit les deux. Par ailleurs, les graminées adventices finalement mal contrôlées prennent souvent le dessus.

Compte-tenu de la tardivité de l’année enregistrée depuis la fin du printemps, la récolte des orges d’hiver s’est réalisée seulement au cours de la première quinzaine de juillet voire jusqu’à la fin du mois dans les zones tardives du nord de la France.

De nombreux épis habités par des tous petits grains, riches en protéines

Sur la base des essais pluriannuels réalisés par ARVALIS – Institut du végétal dans les principales régions productrices, la campagne 2015–2016 se distingue par :
• Un rendement modeste, relativement à l’histoire, combinant un nombre de grains/m² correct (figure 2) – lui-même issu d’un nombre d’épis/m² non limitant et d’une fertilité des épis normale – à un PMG très faible relativement au nombre de grains/m² (figure 3).

Figure 2 : Rendement en fonction du nombre de grains/m2 : positionnement de la récolte 2016 par rapport à 2015 et à la moyenne historique (sur la base des essais physiologiques conduits sur Esterel – Etincel entre 2004 et 2016)

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Figure 3 : PMG en fonction du nombre de grains/m2 : positionnement de la récolte 2016 par rapport à 2015 et à la moyenne historique (sur la base des essais physiologiques conduits sur Esterel – Etincel entre 2004 et 2016)

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  • Un calibrage très faible, corrélé à un très petit PMG, et des teneurs en protéines généralement élevées mais réalistes compte-tenu des rendements modestes (figure 4).


Figure 4 : Teneur en protéines en fonction du rendement : positionnement de la récolte 2016 par rapport à 2015 et à la moyenne historique
 (sur la base des essais physiologiques conduits sur Esterel – Etincel entre 2004 et 2016)

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Luc PELCE (ARVALIS – Institut du végétal)