Septoriose du blé : L’association de chlorothalonil avec les SDHI + triazoles en T2 freine la progression des souches MDR

Selon les résultats du Réseau Performance, le type de traitements aurait une incidence sur la structure des populations de septoriose du blé. Les différentes souches évoluent en effet différemment selon les substances actives utilisées.

Les campagnes d’essais 2016 et 2017 ont permis d’évaluer l’effet des traitements sur les souches de septoriose les plus résistantes aux fongicides (MDR et TriMR évoluées).

Pour mémoire, les « TriMR évoluées » présentent de forts niveaux de résistance à un ou quelques triazoles (ou IDM). Quant aux « MDR » (pour MultiDrug Resistant), ils sont très résistantes à la plupart des IDM et faiblement résistantes aux SDHI.

Avec un chlorothalonil au T1 puis au T2, pas d’évolution des populations

Ainsi, qu’il y ait une ou deux applications en T1 et/ou T2 de chlorothalonil associé, il semble qu’il n’y ait pas d’impact sur les populations TriMR évoluées, ce qui confirme les conclusions antérieures. Les sensibilités aux triazoles des populations résiduelles sont en effet comparables entre elles et comparables à celles du témoin (figure 1).

Autre constat, aucune des modalités ne fait progresser la proportion de souches TriMR évoluées, ce qui peut être considéré comme un point positif. Ce résultat suggère que la combinaison de SDHI et de chlorothalonil dans les programmes tend à ralentir la pression de sélection exercée par les triazoles (voir également figure 2).

Cependant, la présence de SDHI au T2 augmente significativement la proportion de souche MDR dans la population, sauf lorsqu’il est associé à du chlorothalonil. Ainsi, le programme référence « triazole + chlorothalonil suivi d’un SDHI + triazole sans chlorothalonil au T2 » témoignent d’une pression sélective significativement plus forte pour les populations MDR par rapport au témoin non traité.

Notre hypothèse : les SDHI utilisés au T2 sélectionnent les souches MDR, mais contribue à ralentir la progression des souches TriMR évoluées. Lorsqu’ils sont associés avec du chlorothalonil au T2, la sélection des souches de type MDR est également ralentie. Ce constat invite à ajouter un fongicide multisite avec le SDHI dans les régions les plus concernées par la présence de souches MDR (Bretagne, Normandie, Hauts-de-France, Champagne).

Figure 1 : Effet des différentes modalités de traitement du tronc commun du Réseau Performance sur la sensibilité des populations de septoriose aux IDM – 35 essais (29 essais 2016 + 6 essais 2017) – Modèle mixte généralisé bayésien avec inflation de 0

TNT : Témoin non traité ; Tr : Triazole ; C : Chlorothalonil
* Proportion d’écarts négatifs : 
99 % pour C750 puis SDHI + Tr par rapport au témoin 
92 % pour Tr + C puis SDHI + Tr par rapport au témoin

Un effet d’un T3 sur les populations ?

La campagne 2015/2016 avait vu une très forte progression des phénotypes TriMR évolués. Suite à ce constat, il a été testé au printemps 2017 l’effet d’une troisième application de triazole + imidazole (Tr + Im : tébuconazole 160 g/ha + prochloraze 320 g/ha), en complément du programme référence « Triazole + chlorothalonil au T1 puis SDHI + triazole » au T2.

L’analyse statistique du regroupement de 13 essais complets sur 25 confirme l’effet du SDHI + triazole sur les populations (figure 2). En effet, le programme référence fait progresser significativement la proportion de souches MDR, a contrario des TriMR évolués. En revanche, une troisième application de triazole + imidazole ne change pas la structure de la population par rapport au programme de référence. Ce constat ne vaut que pour cette association et ne peut pour l’instant pas être généralisé à toutes les associations de triazoles ou à un triazole solo.

Figure 2 : Effet des différentes modalités de traitement du tronc commun du Réseau Performance sur la sensibilité des populations de septoriose aux triazoles – 13 essais 2017 – Modèle mixte généralisé bayésien avec inflation de 0

TNT : Témoin non traité ; Tr : Triazole ; C : Chlorothalonil ; Im : Imidazole
Le programme de référence avec SDHI + triazole au T2 et ce programme complété par un triazole+imidazole en T3 sélectionnent significativement les souches MDR.
* Proportion d’écarts négatifs :
98 % pour Tr + C / SDH + Tr par rapport au témoin
99 % pour Tr + C / SDHI  +Tr / Tr + Im par rapport au témoin

Un ou deux SDHI ?

Considérant que les réponses à cette problématique sont connues depuis 2015, les tests n’ont pas été réitérés dans les essais du réseau Performance de 2016 et 2017.

Cependant, les résultats du réseau AFPP apportent un éclairage complémentaire sur l’effet potentiel d’une double application de SDHI. Les essais permettent d’étudier la structure des souches en présence et de comparer les populations en cas de traitement ou non avec des triazoles seulement.

Ainsi, on observe(1) des souches résistantes au boscalid et au bixafen (CarR), mais à de faibles fréquences (5 %) et uniquement dans les échantillons issus des parcelles ayant reçu deux applications de SDHI (Figure 3).

Ce constat renforce nos présomptions quant à l’effet négatif de deux applications de SDHI par saison et sur le risque d’émergence de populations spécifiquement résistantes aux SDHI que cette pratique peut induire.

(1) : Sur les 5 essais complets (parmi 9) du réseau AFPP 2016 et 5 essais complets (parmi 7) du réseau AFPP 2017.

Figure 3 : Effet des différentes modalités du Réseau AFPP sur la sensibilité des populations de septoriose aux IDM et à un SDHI – 10 essais (5 essais 2016 + 5 essais 2017)

TNT : Témoin non traité ; IDM : triazole
Les doubles applications de SDHI sélectionnent significativement les souches MDR
* proportion d’écarts négatifs SDHI + IDM a x2 par rapport au témoin : 99 %. Les doubles applications de triazoles (IDM b et IDM c), l’une comme l’autre, sélectionnent les TriMR évoluées significativement par rapport au témoin 
** Proportion d’écarts négatifs IDM b x2 et IDM c x2 par rapport au témoin, respectivement 96 % et 94 %. Les pourcentages représentent la fréquence de souches appartenant à chacune des classes : MDR et TriMR évoluées.

Jean Yves MAUFRAS (ARVALIS – Institut du végétal)
Gilles COULEAUD (ARVALIS – Institut du végétal)