Désherbage des céréales : Un intérêt limité de la herse étrille, même en passages précoces

Le désherbage mécanique est souvent cité comme une réponse aux objectifs de réduction des herbicides. Cependant, des essais ont déjà montré que tous les matériels ne se valaient pas et que les conditions d’emploi (état du sol, stade des adventices) étaient primordiales pour garantir un bon niveau d’efficacité.
Des essais conduits lors de la campagne 2018-2019 n’ont pas montré de grande tendance pour une intégration efficace de la herse étrille dans le désherbage des céréales.

Le désherbage mécanique en céréales repose classiquement sur la herse étrille en sortie d’hiver. Du fait des stades des adventices trop développés, et surtout en présence de graminées, l’utilisation en automne ou bien en sortie d’hiver très précoce est plus pertinente a priori. Pour vérifier cette hypothèse, des essais ont été mis en place en 2018 avec 1, 2 ou 3 passages de herse étrille associés à des programmes herbicides.

Un essai très infesté en ray-grass a montré un léger intérêt du désherbage à la herse étrille, complémentaire aux herbicides. Les deux autres essais sont plus mitigés quant à leurs conclusions : efficacités très faibles du désherbage mécanique, voire contre-productives.

Essai de Bergerac : un intérêt très limité lorsque les herbicides sont très efficaces

Dans l’essai de Bergerac (24), marqué par une prédominance de coquelicots, la plupart des modalités chimiques sont efficaces voire très efficaces (figure 1). L’apport d’un passage de herse étrille à l’automne est très limité – probablement en raison des conditions défavorables à son efficacité (30 mm de pluie les jours suivants).

L’apport d’un second passage (après application herbicide en sortie d’hiver), pourtant réalisé dans de bonnes conditions, impacte davantage les efficacités, mais négativement. Toutes les modalités perdent, par rapport à aucun passage, entre 3 et 10 points. Seule la modalité Nessie, aux efficacités assez faibles, gagne 4 points.

Au final, l’apport, sur les efficacités coquelicots, d’un ou deux passages de herse étrille, est très limité et ne permet pas d’envisager une réduction herbicide. L’essai n’est malheureusement pas exploitable au niveau des rendements, du fait de leur trop grande variabilité.

Figure 1 : Efficacités observées sur coquelicots entre modalités herbicides et herse étrille dans l’essai de Bergerac 2019

Un effet dépressif sur le rendement de passages répétés en sortie d’hiver

L’essai de Lapan (18) se déroule en présence d’une forte population de ray-grass (400 plantes/m2). Les modalités d’automne seules (herbicides avec ou sans passage de herse étrille) sont d’un bon niveau (figure 2). En complément d’un passage précoce en prélevée, l’apport de deux passages supplémentaires de herse étrille en février et mars – réalisés en bonnes conditions – n’est visible que sur les modalités où l’efficacité apportée par la chimie décroche significativement : prélevée (+6 %) et sortie d’hiver (+21 %). Pour les autres modalités, aucun bénéfice n’est perceptible.

Les passages supplémentaires de herse étrille en février et mars sont même dépressifs sur le rendement final, y compris lorsqu’ils complètent une intervention chimique de sortie d’hiver. Deux principaux facteurs explicatifs :
– les bonnes efficacités initiales des solutions chimiques d’automne avec un seul passage mécanique qui permettent d’atteindre le potentiel,
– le passage répété de herse étrille en sortie d’hiver a un impact significatif sur la densité de plantes de la culture et provoque un léger retard végétatif de celle-ci.

Les passages répétés (3 passages) de herse étrille ne sont finalement plus bénéfiques côté rendement qu’un passage unique en prélevée que sur le témoin non traité ce qui semble logique car malgré l’effet dépressif constaté sur le rendement, la concurrence de +/- 400 ray-grass non gérée reste très forte.

Figure 2 : Efficacités (en %) et rendements (en q/ha) des modalités herbicides et herse étrille, sur l’essai ray-grass de Lapan 2019

Des effets parfois contre-productifs, même à l’automne

Dans le dernier essai expoitable, conduit à Plaimpied-Givaudins dans le Cher, les populations de vulpins sont faibles (environ 5 plantes/m²).

D’un point de vue efficacité, les modalités sans désherbage mécanique sont d’un excellent niveau – ce qui est assez logique sur une faible population de vulpin. Toutes les modalités affichent 100 % d’efficacité.

Avec 1 passage en aveugle de herse étrille en prélevée, seule la modalité en sortie d’hiver décroche avec 83 % d’efficacité (figure 3). La seule hypothèse valable serait une relevée provoquée par ce passage à l’aveugle.

Avec deux passages de herse étrille, les efficacités sont encore dégradées, pour les modalités les plus « légères » à savoir la sortie d’hiver seule et la prélevée seule. Celles-ci sont respectivement à 68 et 86 %. Les autres modalités incluant 2 passages mécaniques ne sont pas à 100 % (99 %). A noter que cette modalité étant plus infestée, il est difficile de comparer avec les autres et surtout d’émettre des hypothèses de ré-infestation qui ne sont le fait que de densités initiales plus importantes.

Si l’on considère que l’impact de 5 vulpins/m² dans les témoins est négligeable sur le rendement final (pas de différence significative entre modalités chimiques) il est possible de mesurer l’effet du facteur « désherbage mécanique » qui, lui, est significatif. La modalité sans passage de herse étrille conduit à un rendement de 98,5 q/ha, contre 93 q/ha pour la modalité avec 2 passages mécaniques (dont un en février).

Figure 3 : Comparaison des rendements entre modalités herbicides et herse étrille dans l’essai de Plaimpied-Givaudins 2019

En conclusion

Le(s) passage(s) de herse étrille en sortie d’hiver restent globalement dépressif sur le rendement. Sur les adventices graminées levées à l’automne ils ne seront que d’une piètre efficacité et il faudra avoir un réglage très agressif de la herse étrille ce qui aura un impact fort sur le potentiel : à réserver aux situations où les produits de sortie d’hiver ne sont plus efficaces (en lien avec la présence d’adventices résistante). Ces passages n’auront un intérêt que pour des éventuelles relevées d’adventices de sortie d’hiver.

Ludovic BONIN (ARVALIS – Institut du végétal)
Lise GAUTELLIER VIZIOZ (ARVALIS – Institut du végétal)