Les maladies du blé, elles aussi confinées

C’est bien connu, qui dit temps sec dit faible pression des maladies fongiques sur les céréales. Le scénario du printemps 2020 n’échappe pas à la règle. De plus, l’évolution des pratiques, le développement des variétés de blé tendre résistantes aux maladies et le recours aux modèles de prévision ont permis fréquemment de se passer du premier traitement. Plus d’un tiers des hectares de blé n’a été traité qu’une seule fois en 2020, contre un hectare sur quatre en 2019.

La campagne 2019/2020 en blé se démarque des autres par deux faits marquants. D’une part, le printemps sec a été favorable à la santé des plantes, avec une pression maladie très faible : peu de septoriose, pas ou peu de rouilles, peu de fusariose (sauf localement sur certaines productions de blé dur dans le Sud).

D’autre part, 44 % des variétés de blé cultivées en 2020 présentent un bon niveau de résistance à la septoriose, leur proportion a ainsi triplé en 10 ans. Rappelons que la voie génétique est la piste la plus sérieuse pour réduire l’utilisation des fongicides.

Ainsi, sur la campagne écoulée, la nuisibilité moyenne des maladies n’a été que de 8 q/ha contre 16 q/ha en moyenne ces dernières années. 2020 est l’année où les blés ont été les moins exposés depuis plus de 15 ans en France.

Pas besoin du premier traitement (T1)

Le premier traitement fongicide des blés, réalisé entre les stades 1 et 3 nœuds, est traditionnellement destiné à protéger la culture contre les maladies du pied et les maladies foliaires se déclarant précocement. Avec l’évolution des pratiques, il ne se justifie que si les modèles de prévision (type Septo-LIS®) « déclenchent » et si la rouille jaune est en place précocement.

En 2020, la très faible présence de septoriose et de rouille a eu une nuisibilité en moyenne de l’ordre de 2 q/ha : pas de quoi justifier une intervention précoce dans ces conditions.

En conséquence, les agriculteurs ont davantage suivi nos recommandations déjà diffusées l’an passé : moins de 2 millions d’hectares de blé tendre ont reçu un T1 en 2020, soit 30 % de moins qu’en 2019.

Pour les mêmes raisons climatiques, le T3, plutôt destiné à lutter contre la fusariose, n’avait aucun intérêt. Seul le T2, appliqué au stade dernière feuille étalée, était nécessaire.

Ainsi, les producteurs de blé tendre français n’ont appliqué qu’1,9 traitement fongicide en 2020 au lieu de 2,2 ces dernières années.

Le biocontrôle confirme sa place au T1

Dans le contexte de 2020, le biocontrôle – en particulier le soufre – a parfaitement joué son rôle lorsqu’un premier traitement était nécessaire. Dans un contexte de diminution des premières interventions, le soufre a permis de protéger le blé sans trop dépenser avec une solution 100 % biocontrôle, sur plus de 250 000 ha.

Au total, plus d’un hectare sur deux n’a pas été traité au premier traitement (T1) ou avec une solution de biocontrôle (seule ou associée à un produit conventionnel).

La stratégie du semis décalé pas si évidente

Côté génétique, les progrès de la sélection offrent aujourd’hui une gamme de variétés résistantes aux maladies de plus en plus étendue et les producteurs les utilisent de plus en plus. Par ailleurs, dans certaines situations, avec des variétés peu sensibles, on pourrait être tenté de retarder les dates de semis de 10 à 15 jours pour « cultiver moins de maladies ». Cette stratégie s’est révélée hasardeuse en 2020 car les pertes de productivité ont été plus importantes que les bénéfices espérés sur la protection.

Mais recourir aux OAD ou encore miser sur une variété peu sensible, sans retarder la date de semis permettait de se contenter d’un seul traitement.

Toujours plus de résistances

Dans un contexte où la septoriose est peu présente, la fréquence de souches résistantes aux triazoles (TriHR) progresse en 2020 (58 % vs 43 % en 2019) alors que celle des souches multirésistantes (MDR) reste stable (28 % vs 26 %). Au total, plus de trois souches sur quatre (86 %) en France sont fortement résistantes aux triazoles. Les souches résistantes aux SDHI (CarR) continuent d’être sélectionnées et représentent 18 % des souches (contre 13 % en 2019). Plus que jamais, les recommandations doivent être suivies (notamment la combinaison de produits variés pour faire durer les différents modes d’actions utilisés).

Maladies du blé tendre : la campagne 2019/2020 en chiffres !

• 4,2 millions d’hectares de blé tendre cultivés (- 13 % par rapport à 2019)
• 1,9 million d’hectares protégés avec un T1 (- 30 % par rapport à 2019)
• 250 000 ha traités avec du soufre (stable dans un contexte de recul des T1)
• 36 % des surfaces protégées avec un seul traitement fongicide (+ 11 % par rapport à 2019)
• 44 % des variétés cultivées sont résistantes à la septoriose (+ 8 % par rapport à 2019)
• 58 % des souches de septoriose sont fortement résistantes à un triazole (+ 15 % par rapport à 2019)
• 28 % des souches de septoriose sont de type Multidrug-résistance (+ 2 % par rapport à 2019)
• 18 % des souches de septoriose sont résistantes aux SDHI (+ 5 % par rapport à 2019)

Et pour 2020/2021 ?

Pour la prochaine campagne, nos recommandations sont similaires à l’an dernier :
• Eviter les traitements précoces lorsqu’ils ne sont pas nécessaires, en valorisant les tolérances variétales et les outils d’aide à la décision.
• Adapter la dose de produit employé à la pression parasitaire estimée et à la sensibilité variétale.
• Limiter le nombre d’applications pour espérer ralentir la pression de sélection (éviter les applications peu ou pas utiles).
• Diversifier les modes d’action et les substances actives au sein d’un même mode d’action, en particulier ne pas utiliser (si possible) le même triazole plus d’une fois par saison. A noter qu’un nouveau mode d’action, QiI pour Quinone inside Inhibitor, est disponible pour 2021.
• Limiter l’utilisation des SDHI et des QoI à un seul passage par saison.
• Associer les SDHI systématiquement à d’autres modes d’action (triazole, picolinamides, multisite…).

Claude MAUMENE (ARVALIS – Institut du végétal)
Jean-Yves MAUFRAS (ARVALIS – Institut du végétal)