Apport d’azote au tallage : tout dépend de la situation

region_centreEn céréales, l’apport d’azote au tallage est souvent utile mais peu efficient. Les clés pour le raisonnement 2016.

Les semis sur l’automne 2015 se sont réalisés dans de très bonnes conditions, avec dans un certain nombre de cas, des semis très précoces : fin septembre début octobre pour le blé tendre d’hiver et dès le 20 octobre pour le blé dur et les orges de printemps en semis d’automne. Combinés à des conditions climatiques automnales et de début d’hiver très douces, ces contextes agronomiques ont favorisé un développement végétatif très important. Aujourd’hui, pour des semis dans la médiane, les blés tendres ont atteint entre 2 et 3 talles.

Dans ces conditions, il se pose la question de la réalisation ou non d’un premier apport sachant qu’à ce stade, le blé a des besoins peu élevés et sa croissance est lente. Pour rappel, l’objectif du premier apport d’azote est de limiter les carences en début de cycle, ce qui limiterait l’émission potentielle des talles. Or, dans nos situations, le tallage est déjà satisfaisant.

De plus, sur la dose totale d’azote nécessaire à un blé au cours de la campagne, la part apportée au tallage est celle qui est la moins efficiente et celle qui contribuera le moins à la teneur en protéines finale. A dose totale équivalente, mieux vaut garder de quoi renforcer les apports suivants, en particulier l’apport de fin montaison en cas d’objectif « protéines ». Les outils de pilotages permettent d’ajuster cette dose en fin de cycle.

Que faire ?

On peut distinguer deux situations.

Cas de premiers apports réalisés avec des engrais binaires ou ternaires ou soufrés

Dans ce cas, le premier apport est indispensable car il est couplé aux autres éléments minéraux indispensables (P et/ou K et/ou S). Il est possible d’envisager un apport minime permettant de trouver en bon compromis entre un apport limité en azote tout en apportant les quantités suffisantes concernant les autres éléments. Un apport limiter à 40 U/ha d’azote semble être un bon compromis dans cette situation.

Cas de premiers apports réalisés avec des engrais uniquement à base d’azote

Dans ce cas, l’impasse est matériellement possible. Mais est-ce techniquement judicieux ? L’impasse pourra être envisagée selon les critères suivants :
– précédent riche en azote (légumineuse) ou fertilisation importante du précédent,
– apport de matière organique,
– sols profonds à bonne minéralisation,
– date de semis précoce avec très bon tallage
… et tout élément conduisant à un état végétatif dense et un bon tallage.

Les bases reliquats ne sont pas à ce jour disponibles. Nous ne pouvons donc pas présager du niveau moyen que nous aurons fin février. Cependant, au regard de la météo automnale et hivernale, les pertes par lixiviation seront modérées à nulles, ce qui augmenterait les reliquats.A contrario, le fort développement végétatif a permis de réduire ce stock dans le sol.

Et pour les cas particuliers ?

Dans les autres situations : sols (très) superficiels, précédents peu riches en azote (tournesol ou colza à bons rendements), semis tardif malgré les conditions de l’automne…, un apport peut se justifier mais devra être limité à 40 U/ha et sera largement suffisant. Ce type de situation peut être détecté par un jaunissement des vieilles feuilles : attention à ne pas confondre avec d’autres causes telles que virus, tassement ou maladie (oïdium, piétin échaudage…).

Les parcelles « jaunissantes » se rencontrent fréquemment sur certains secteurs. Si le manque d’azote est bien à l’origine de cette décoloration, il faudra privilégier des apports précoces sans toutefois apporter de fortes doses.

Bien évidemment, la météo de la fin de l’hiver reste une inconnue et un épisode de gel marqué est encore tout à fait envisageable. Raison de plus pour rester prudent sur les doses à apporter. Des doses trop importantes pourraient favoriser une reprise précoce et donc amplifier la sensibilité au gel sur la fin février début mars.

Un apport trop conséquent ou non justifié est souvent préjudiciable : augmentation du risque de verse, de maladies, mauvaise valorisation par la plante. Bien qu’une carence puisse limiter le rendement, à l’inverse, l’azote n’accélère ni l’émission des feuilles ni celle des talles ! Il ne compensera en aucun cas un défaut de plantes ou déficit du nombre de talles liés à de mauvaises conditions de semis.

En ce qui concerne la date d’apport, il faut privilégier des conditions favorables à la valorisation (au moins 15 mm de pluie annoncés dans les 15 jours).

Les doubles densités : le seul outil disponible pour piloter l’apport d’azote au tallage

La décision de réaliser ou non un apport peut s’appuyer sur la méthode des bandes à « double densité » : la non décoloration d’une bande de 20 ou 30 m semée à double densité signifie qu’il n’y a pas de carence et que l’impasse est possible avec un report de la dose correspondante sur le deuxième et le troisième apport.

Si aucune bande double densité n’a été réalisée, il est possible de repérer les zones de recoupement dans la parcelle (bordure, angle de champ, tour de poteaux…). Cela peut donner une indication mais cela sera moins précis qu’une véritable bande double densité. Ces zones sont des zones peu représentatives de la parcelle (tassement plus important, hydromorphie, ombre…).


Concernant les pratiques de fertilisation azotée dans leur ensemble, pensez à consulter la réglementation en vigueur sur votre zone.


 

Edouard BARANGER, Michel BONNEFOY, Delphine BOUTTET, Chloé MALAVAL JUERY, Agnès TREGUIER (ARVALIS – Institut du végétal)

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