Azote sur céréales : l’apport sortie hiver est-il nécessaire en 2017 ?

L’apport d’azote au tallage est peu efficient mais il est nécessaire si le reliquat d’azote dans le sol à la sortie de l’hiver est faible. Les situations à forts reliquats en 2017 devraient conduire à faire l’impasse beaucoup plus fréquemment que ces dernières années.

Les semis de céréales sur l’automne 2016 ont été retardés par rapport à la tendance pluriannuelle d’environ une semaine à 10 jours. Les semis les plus précoces, souvent dans le sec, ont présenté des levées tardives. Le déficit marqué de pluie sur la période automne-début hiver (voir carte ci-dessous), puis l’épisode de gel sur la fin janvier conduisent aujourd’hui à des stades des céréales peu en avance : de 1 feuille (blé dur, orge printemps semis automne) à maximum 1 à 2 talles pour les semis de blé tendre les plus précoces. De ce fait, l’azote absorbé est plus faible que les années précédentes. Pour rappel, 1 à 2 feuilles équivalent à 5 unités d’azote absorbée par hectare, puis 10 unités pour 3 feuilles puis 5 unités supplémentaires par talles additionnelles.
Carte 1 : Rapport à la moyenne des précipitations du 1er septembre 2016 au 31 janvier 2017 – Période 1996-2015

Premiers éléments sur les valeurs de reliquats

Les premières tendances indiquent des valeurs de reliquats élevées à très élevées, bien au-dessus des moyennes habituelles. Ces fortes valeurs, supérieures à 60 U, cachent cependant une très forte variabilité liée principalement au précédent, type de sol et à la valorisation de l’azote apporté sur le précédent (rappel contexte 2016). L’élément explicatif le plus important est le déficit de pluie sur l’automne/début hiver (voir carte ci-jointe) qui a fortement limité la lixiviation.

Dans ces conditions, il se pose la question de la réalisation ou non d’un premier apport sachant qu’à ce stade, le blé a des besoins peu élevés et sa croissance est lente. Pour rappel, l’objectif du premier apport d’azote est de limiter les carences en début de cycle, ce qui limiterait l’émission potentielle des talles. Or, dans nos situations, le développement végétatif est faible, les besoins sont donc limités pour le moment et les fournitures sont dans un grand nombre de situations plus importantes qu’habituellement.

De plus, la prise en compte de reliquats importants dans le calcul de la dose totale bilan conduit mathématiquement à des doses totales faibles à très faibles. En gardant l’objectif rendement et qualité, il peut être judicieux dans les situations à forts reliquats de faire l’impasse du premier apport d’azote, ou du moins, le reporter afin de le positionner plus proche du stade épi 1 cm, au moment où les besoins sont plus importants. A dose totale équivalente, mieux vaut garder de quoi renforcer les apports suivants, en particulier l’apport de fin montaison en cas d’objectif « protéines ». Les outils de pilotages associant diagnostic et pronostic comme Farmstar joueront pleinement leur rôle cette année en vérifiant en cours de campagne si les besoins de la plante sont satisfaits et, le cas échéant, permettront d’ajuster les doses et de dépasser si besoins les doses totales faibles préconisées en début de campagne.


Des reliquats azotés en tendance très importants

Les premiers reliquats sortie hiver observés en 2017 sont exceptionnellement élevés. Selon la figure 1, la pluviométrie hivernale explique en grande partie la quantité d’azote présent dans le sol en janvier. Derrière paille enfouie en sol profond de Beauce (90 cm), la valeur moyenne de 2017 (synthèse encore partielle à valider) est expliquée par la faible pluviométrie hivernale. Les 10 unités au-dessus de la tendance s’expliquent par une faible quantité d’azote absorbé.
En sols plus superficiels les premières données sont sur la même tendance mais présentent une très grande variabilité. Nous reviendrons d’ici la fin du mois avec des éléments de synthèse plus consolidés.

Figure 1 : Position de l’année 2017 en terme de reliquat azoté – précédent blé tendre pailles enfouies – Limons argileux profonds de Beauce


Que faire ?

Dans l’idéal, la décision de réaliser une impasse ou pas de l’apport tallage se fera au mieux sur la base d’un reliquat réel mesuré sur la parcelle. A noter que le raisonnement concernant le soufre est proche de celui de l’azote. Le déficit de pluie a fortement limité le lessivage de cet élément très mobile dans le sol et donc les fournitures pourraient être plus élevées qu’habituellement.

On peut distinguer deux situations

  • Cas des premiers apports réalisés avec des engrais binaires ou ternaires ou soufrés
    Dans ce cas, le premier apport est difficile à supprimer. La stratégie peut alors être de le retarder d’au minimum 15 jours afin d’être dans une situation où le besoin en azote sera réel. Il est possible d’envisager un apport minime permettant de limiter l’apport d’azote tout en apportant les quantités suffisantes concernant les autres éléments. Un apport limité à 40 U/ha d’azote semble être un bon compromis dans cette situation. N’oublions pas que, sur la base d’analyses de sols récentes, les impasses P et K sont possibles et permettent, surtout cette année, de limiter les dépenses en intrants non justifiées.• Cas de premiers apports réalisés avec des engrais uniquement à base d’azote
    Dans ce cas, l’impasse est techniquement possible et pourra être envisagé dans les situations suivantes :
    – Reliquats dans les deux premiers horizons (0-60 cm) supérieurs à 60 unités.
    – Précédent riche en azote (légumineuse) ou fertilisation importante du précédent.
    – Apport de matière organique.
    – Sols profonds à bonne minéralisation.
    – Date de semis précoce avec très bon tallage.

Dans les autres situations…

Pour les sols (très) superficiels, précédents peu riches en azote (tournesol ou colza à bons rendements), semis tardif malgré les conditions de l’automne,… un apport peut se justifier mais devra être limité à 40 U N/ha et sera largement suffisant. Ce type de situation peut être détecté par un jaunissement des vieilles feuilles ; attention à ne pas confondre avec d’autres causes : tassement ou maladie (ex : piétin échaudage…).

Attention, nous ne connaissons pas aujourd’hui la météo de la fin de l’hiver ! Un épisode de gel marqué est encore tout à fait envisageable. Raison de plus pour rester prudent sur les doses à apporter.

Un apport trop conséquent ou non justifié est souvent préjudiciable : augmentation du risque de verse, de maladies, mauvaise valorisation par la plante. Bien qu’une carence puisse limiter le rendement, à l’inverse, l’azote n’accélère ni l’émission des feuilles ni celle des talles ! Il ne compensera en aucun cas un défaut de plantes ou un déficit du nombre de talles liés à de mauvaises conditions de semis.

En ce qui concerne la date d’apport, privilégiez des conditions favorables à la valorisation (au moins 15 mm de pluie annoncés dans les 15 jours).

Les doubles densités : le seul outil disponible pour piloter l’apport d’azote au tallage

La décision de réaliser ou non un apport peut s’appuyer sur la méthode des bandes à « double densité » : la non décoloration d’une bande de 20 ou 30 m semée à double densité signifie qu’il n’y a pas de carence et que l’impasse est possible avec un report de la dose correspondante sur le deuxième et le troisième apport.


Concernant les pratiques de fertilisation azotée dans leur ensemble, pensez à consulter la réglementation en vigueur sur votre zone.



Edouard BARANGER, Michel BONNEFOY, Delphine BOUTTET, Chloé MALAVAL JUERY, Agnès TREGUIER (ARVALIS – Institut du végétal)

 

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