Développement des céréales et à-coups climatiques – Pourquoi est-il indispensable d’observer finement les stades en cette période ?

La fin de montaison est une période cruciale pour le pilotage des cultures. Si l’irrigation et la fertilisation azotée ne nécessitent pas d’être adossées à des stades précis, ce n’est pas le cas de la protection fongicide et de l’application des régulateurs. Or, les semis étalés, l’excès d’eau hivernal et les conditions chaudes et sèches de ces dernières semaines peuvent perturber le suivi phénologique des cultures et conduire à une mauvaise évaluation des stades foliaires si l’observation des plantes est trop rapide.

Des températures toujours très au-dessus des normales de saison

Depuis plusieurs semaines, et a fortiori cette semaine encore, les températures sont régulièrement supérieures à la moyenne pluriannuelle. Ceci provoque une accélération des stades, d’autant plus forte que les jours rallongent et que les sols se réchauffent.

A Boigneville (91), l’excès de température entre le 5 mars et le 25 avril atteindrait 90°Cj (figure 1), c’est-à-dire pratiquement la chaleur nécessaire à la sortie d’une feuille supplémentaire dans le même intervalle de temps (50 jours).

Figure 1 : Ecart des températures moyennes journalières par rapport à la valeur pluriannuelle (2000-2019) sur la période du 5 mars au 24 avril 2020 à Boigneville (91)

Un effet trompeur de plantes courtes

Les températures maximales élevées, les forts rayonnements, et dans certains cas les défauts de valorisation des apports d’azote, peuvent induire chez les plantes des faibles élongations de tiges, notamment lorsque les tallages sont faibles et que les talles ne se concurrencent pas pour la lumière. Dans de telles situations, les premiers entre-nœuds s’allongent peu et on tend à sous-estimer le stade de développement de la plante et son âge foliaire en se focalisant sur la hauteur du couvert. Résultat : les plantes semblent être à peine à 2 nœuds, mais la dernière feuille pointe déjà !

Les stress perturbent l’apparition des stades

A ces phénomènes, il faut ajouter l’effet perturbateur des stress abiotiques (hydromorphie et sécheresse) sur le déroulement de la phénologie.

L’excès d’eau hivernal ralentit les plantes, sans doute en partie à cause d’un refroidissement du sol. A l’inverse, un stress hydrique a tendance à accélérer le développement (jusqu’à un certain point), notamment parce qu’il provoque un léger échauffement des tissus.

Cette année, ces deux stress peuvent se succéder et perturber le suivi phénologique des cultures : après avoir été pénalisées par les excès d’eau, et donc avoir entamé tardivement leur montaison, les cultures mal enracinées risquent d’être rapidement confrontées à une incapacité à s’alimenter correctement et de rentrer en stress hydrique. Ces situations pourront donc surprendre les producteurs et les conseillers par une sortie de la dernière feuille plus tôt que prévu.

Pour des semis étalés, ne pas hésiter à ouvrir les tiges

Les semis très étalés de cette campagne font coexister des parcelles semées à 2 ou 3 mois d’intervalle, avec parfois des dates de semis très inhabituelles pour certaines d’entre elles. Or, les cultures semées tardivement ont une phénologie beaucoup plus rapide que celles semées précocément (phyllotherme plus court). La surveillance est donc de mise pour ne pas se laisser surprendre par la sortie de la dernière feuille.

Le diagnostic le plus fiable consiste à prélever plusieurs maîtres-brins et de dérouler progressivement les gaines des dernières feuilles, pour retrouver la F1 définitive.

Seule cette observation permet de définir quels étages foliaires sont déjà sortis, et lesquels vont émerger.