Ensilage d’herbe : se tenir prêt à intervenir

Jusqu’à aujourd’hui, peu voire aucun créneau météo favorable au préfanage ne s’est présenté. Dès le retour des conditions favorables (portance et temps sec prolongé), il sera l’heure de récolter les dérobées et autres prairies. Rappels des recommandations à suivre de la fauche jusqu’à la mise en silo.

Le stade physiologique des plantes, premier facteur de qualité

Gérer les excédents de pâturage et constituer des stocks, tels sont les objectifs des récoltes d’herbe. Quel que soit l’itinéraire technique de récolte mis en œuvre, il n’améliorera pas la valeur alimentaire du fourrage. En préalable, il importe de se fixer des objectifs de stade de récolte, selon les besoins en stocks et les exigences des animaux à nourrir.

En cas de destruction de la prairie après la récolte, les exigences de la culture suivante (date de semis, préparation de sol…) sont aussi à prendre en compte.

De manière générale, la qualité du fourrage diminue avec la maturité physiologique, à l’inverse du rendement.

La fauche : partir du bon pied

L’objectif de toute chaîne de récolte est d’atteindre une teneur en matière sèche optimale en un minimum de temps pour préserver au mieux les qualités du fourrage. Pour ce faire, il importe tout d’abord de respecter quelques fondamentaux au moment de la fauche :
– Intervenir en fin de rosée pour ne pas piéger d’eau dans le fourrage. bien qu’il s’agisse « d’eau libre », elle peine à s’évacuer dans des andains bien fournis et freine le séchage.
– Faucher à une hauteur régulière, préférentiellement à 7-8 cm. Ceci facilite le séchage par circulation d’air sous l’andain tout en l’isolant des éventuelles reprises d’humidité et contamination en terre par le sol. Pour les prairies non détruites après la récolte, le maintien d’une surface verte minimale assure un redémarrage plus rapide.

Ensuite, le type de faucheuse présente son lot d’avantages et d’inconvénients (figure 1).

L’utilisation d’une faucheuse-conditionneuse a l’avantage d’enchaîner trois opérations en une (fauche – conditionnement – mise en andains). La reprise directe des andains par le pick-up de l’ensileuse est alors possible. Dans ces situations, il est intéressant d’élargir les andains pour profiter d’une surface d’exposition plus importante tout en restant compatible avec la largeur du pick-up de l’ensileuse. Mais les andains resteront « étroits » (~30 à 40 % de la surface fauchée).

D’autres matériels permettent un étalement large du fourrage sitôt après la fauche (80 à 90 % de la surface fauchée), synonyme de vitesse de séchage accrue. C’est le cas des faucheuses classiques à plat et des conditionneuses munies d’un système d’éparpillement large. Mais avec ces équipements, rouler sur le fourrage est quasiment inévitable car l’andain produit est plus large que la voie du tracteur. Ceci augmente le risque d’incorporation de terres – et donc de butyriques – en plaquant le fourrage au sol et rend plus difficile la récupération du fourrage lors de l’andainage. En éparpillement large, seule la combinaison d’un module frontal avec un ou deux modules latéraux évite ce problème. Avec les faucheuses à plat, l’utilisation des cônes, roues à andain ou disques d’andainage permet de diviser l’andain principal en deux. Il est alors possible d’enjamber le fourrage lors du passage ultérieur tout en maximisant la surface d’exposition.

Figure 1 : Avantages et inconvénients de quelques itinéraires techniques d’ensilage d’herbe

EN LÉGUMINEUSES PURES OU DOMINANTES, ATTENTION AUX PERTES MÉCANIQUES

Les différents types de faucheuses ne sont pas non plus équivalents du point de vue des pertes mécaniques. En légumineuses pures, les faucheuses classiques sans conditionneur ou les faucheuses-conditionneuses à rouleaux (fer ou plastique) se révèlent très adaptées. Les pertes n’excèdent jamais 4 % de la biomasse initiale. En revanche, par leur action mécanique beaucoup plus agressive, les conditionneuses à fléaux engendrent des pertes de 6 à 10 % de la biomasse, en détachant les feuilles. S’il s’agit du seul matériel disponible, il faut réduire l’agressivité en utilisant les réglages disponibles (effacement des peignes, écartement de la tôle située à l’aplomb du conditionneur, réduction de la vitesse du conditionneur).

Teneur en MS et dimensionnement des silos : les facteurs de la réussite

En graminées pures, l’objectif de teneur en matière sèche pour assurer une bonne conservation se situe entre 30 et 35 %. Pour les légumineuses pures, en raison de leur plus faible teneur en sucres solubles et de leurs plus fortes teneurs en protéines et minéraux, il est nécessaire de viser une teneur en MS entre 40 et 45 %. Mais, cette teneur plus élevée, même avec un tassage efficace, conduit à des silos plus poreux, qui contiennent plus d’air. Il importe donc de bien dimensionner le silo pour assurer des vitesses de désilage élevées afin d’éviter les risques d’échauffement au front d’attaque (> 15 cm en hiver et 25 cm en été).

Tableau 1 : Impact de la teneur en MS de l’herbe sur la qualité de conservation de l’ensilage

POUR UN TASSAGE OPTIMAL

Afin de favoriser le tassage du fourrage au silo ainsi que son ingestibilité, une longueur de coupe de 2 à 3 cm sera recherchée. Ceci est facilement obtenu avec une ensileuse automotrice. Avec les autochargeuses, le dispositif de hachage ne permet ni d’obtenir cette longueur de coupe, ni la régularité obtenue à l’ensileuse. L’affutage et l’activation de tous les couteaux permettront néanmoins d’utiliser au mieux les capacités de l’outil. Les autochargeuses présentent l’avantage d’apporter un peu plus d’autonomie et de souplesse dans l’organisation des chantiers ce qui peut favoriser la réactivité et l’intervention au bon stade.

Lors du tassage, le repère des 400 kg d’engins tasseurs par tonne de matière sèche entrante par heure permet de dimensionner a priori les besoins au regard du débit de chantier estimé. Pour que le tassage soit efficace, il importe également d’étaler en couches d’une épaisseur inférieure à 20 cm. Après l’étalement et le tassage de la dernière benne de fourrage, la couverture du silo garantira le démarrage rapide des fermentations lactiques désirables.

Anthony UIJTTEWAAL (ARVALIS – Institut du végétal)