Récoltes : Que faut-il penser du regroupement d’andains avant l’ensilage d’herbe ?

Cette technique, qui consiste à déplacer et regrouper plusieurs andains de fauche juste avant la récolte, présente de nombreux avantages, mais également quelques risques sur la qualité du fourrage.

Plusieurs techniques de récolte de l’ensilage d’herbe sont pratiquées sur le terrain. La plus courante reste la fauche, avec une faucheuse conditionneuse à fléaux en andains étroits, suivie, 48 à 72 heures après, d’une récolte à l’ensileuse automotrice, avec un pick-up large permettant la reprise de deux andains à la fois, soit une largeur équivalente à 6 ou 7 mètres.

Pour différentes raisons (économique, logistique ou de disponibilité en matériels), d’autres itinéraires se développent. Parmi ceux-là, certains font appel au regroupement d’andains avant la récolte. On désigne ici par « regroupement d’andains » l’action qui permet, après une certaine durée de préfanage, de déplacer et regrouper plusieurs andains réalisés à la fauche avant de les récolter. Il est important de bien distinguer cette action de celle qui consiste à grouper les andains directement lors de la fauche. Au printemps, cette dernière est à proscrire en raison de la faible vitesse de séchage permise.

Quels sont les atouts du regroupement d’andains ?

L’introduction de cette pratique offre la possibilité d’utiliser n’importe quel type de faucheuse lors de la fauche. Le plus pertinent, pour la rapidité du préfanage et la qualité sanitaire, est d’utiliser des faucheuses permettant une exposition maximale du fourrage (andains larges) sans rouler sur le fourrage. Les deux conditions sont réunies avec les faucheuses classiques « à plat » disposant de diviseur d’andains ou avec les combinés de fauche disposant de l’épandage large sur les modules latéraux.

Pour maximiser le bénéfice sur le préfanage, le regroupement doit intervenir après une durée suffisante de séchage. Dans l’idéal, cette opération est à positionner quelques heures (24 h maxi) avant la récolte pour permettre également un ressuyage du fourrage situé jusqu’alors sous les andains de fauche.

DES DÉBITS DE CHANTIERS DE RÉCOLTE PLUS ÉLEVÉS

L’autre atout du regroupement d’andain est l’accélération du débit de chantier permettant de réduire les coûts de récolte. Avec des rendements avoisinant les 3 t MS/ha, les débits de chantier lors de l’ensilage avec regroupement d’andains ont atteint entre 18,5 et 20,6 t MS/heure, contre 11,8 pour les chantiers sans regroupement. Ceci correspond à des débits d’environ 4 ha/heure sans regroupement contre 6 à 7 ha/heure avec regroupement. L’augmentation du débit de chantier est d’autant plus importante que les andains produits sont homogènes et permettent d’optimiser l’utilisation de la puissance de l’ensileuse.

Enfin, sur un plan logistique, le recours au regroupement d’andains permet d’utiliser un pick-up étroit sur l’ensileuse, facilitant ainsi les déplacements sur route et entre parcelles.

Un risque bien réel d’incorporation de terre

Néanmoins, le regroupement d’andains présente quelques inconvénients. Il génère avant tout un risque d’incorporations de pierre dans le fourrage en sols caillouteux. Bien qu’il existe des différences entre outils et réglages, le regroupement d’andains est déconseillé dans ces situations pour éviter la casse et l’usure prématurée des machines de récolte (ensileuse ou autochargeuse).

Il existe également un risque d’incorporation de terre du fait de l’action des dents des outils pouvant entrer en contact avec le sol. Ce risque a deux répercussions :

• L’incorporation de matières minérales (ou cendres), globalement peu préjudiciable en termes de qualité de conservation ou de valeur alimentaire, accélère l’usure des couteaux notamment.

• L’incorporation de bactéries butyriques, préjudiciable à la qualité de conservation, à la valeur alimentaire et à la qualité bactériologique du lait, induit des pénalités économiques pour les producteurs laitiers.

Lors du projet 4AgeProd, ARVALIS – Institut du végétal, en partenariat avec la FRCUMA Ouest, a réalisé des suivis de chantiers d’ensilage de luzerne entre 2014 et 2017. Ils ont mis en évidence des augmentations significatives des teneurs en matières minérales dans le fourrage récolté après regroupement d’andains : +11 et +28 % respectivement pour le regroupement d’andains au giro-andaineur et à l’andaineur à soleils (figure 1).

Figure 1 : Teneur en matières minérales du fourrage récolté en fonction de l’itinéraire pratiqué

La forte variabilité des teneurs observées dans les situations de regroupement d’andains au giro-andaineur laisse entrevoir certaines situations peu ou pas contaminées par l’opération. L’analyse plus fine a montré qu’avec des hauteurs de fauche supérieures à 10 cm, la contamination était très faible, voire nulle. Au regard de la perte de rendement induite par de telles hauteur de fauche, ceci ne peut constituer une recommandation. D’autres paramètres tels que l’ajustement des pièces travaillantes, ainsi que la planéité de la surface du sol sont théoriquement des facteurs réduisant la contamination. Mais ils n’ont pu être caractérisés sur le terrain.

Il est important de rappeler ici que le développement des bactéries butyriques durant la conservation est inversement proportionnel à la teneur en matière sèche du fourrage. Au-delà de 35 % MS, leur développement est faible, voire nul.

DES DIFFÉRENCES ENTRE TYPE D’ANDAINEUR

Lors des suivis, les trois chantiers réalisés avec des andaineurs à soleils ont présenté de fortes contaminations. Ces conclusions sont corroborées par des références américaines (Neu et al., 2017) qui ont évalué l’effet de 4 types d’andaineurs sur les contaminations en matières minérales du fourrage. Les résultats des 6 essais américains classent l’andaineur à tapis comme l’outil le moins « contaminant » et l’andaineur à soleils comme le plus « contaminant » :

• Dans les 6 essais américains, l’andaineur à tapis a présenté en moyenne une teneur en matière minérale de 100 g/kg MS

• Le giro-andaineur : 109 g/kg MS

• L’andaineur à peignes : 108 g/kg MS

• L’andaineur à soleils : 118 g/kg MS

Anthony UIJTTEWAAL (ARVALIS – Institut du végétal)