Hauts-de-France – Verse des céréales : risque faible à début montaison

 A ce stade des céréales, le risque de verse s’annonce plutôt faible. Analyse des différents critères d’influence.

Malgré les conditions climatiques poussantes de cet hiver, les biomasses mises en place ne sont pas extrêmement importantes du fait des semis plus tardifs qu’habituellement et des situations de fortes hydromorphies. Les peuplements au stade épi 1 cm sont moyens, sans pour autant être limitants pour le potentiel dans la plupart des situations, ce qui modère le risque verse en ce début de montaison.

L’application de régulateur ne doit être réalisée qu’en cas de risque verse avéré associé à des conditions climatiques favorables.

Evaluer le risque verse

Le risque de verse est déterminé par plusieurs critères (tableau 1) :
– la précocité de l’année et les conditions météorologiques (rayonnement, températures, pluie) à la montaison, entre le stade épi 1 cm et le stade 1-2 nœuds,
– la sensibilité de la variété,
– la densité de tiges,
– l’excès de fertilisation azotée précoce en début de cycle.

Tableau 1 : Estimation du risque de verse à la parcelle

Un tallage limité

Le risque de verse est fortement conditionné par l’excès de tiges : il conduit à un allongement des entre-nœuds qui provoque une faiblesse des tiges. Les conditions de ce début de campagne (dates de semis retardées, situations hydromorphes…) ont globalement réduit le risque en limitant le tallage. Ainsi, le nombre de tiges susceptibles de monter à épi (NT3F = nombre de tiges de plus de 3 feuilles au stade épi 1 cm) se situe parmi les références basses mesurées sur blé par rapport à d’habitude.

Les premiers comptages sur la plateforme expérimentale d’ARVALIS à Dury (02) indiquent, pour un semis du 30 octobre, des peuplements autour de 700 tiges à plus de trois feuilles (Chevignon 661, Fructidor 783, Rubisko 645, Filon 762) ; alors que la moyenne pluriannuelle se situe habituellement aux alentours de 900 tiges à plus de trois feuilles.

Pas d’excès d’azote en sortie d’hiver

L’excès d’azote important et précoce favorise la verse. Il peut être lié soit à des fournitures importantes du sol (reliquats de précédents, forte minéralisation liée à des apports organiques importants), soit à des apports trop importants. Cette année, les valeurs de reliquats sortie d’hiver sont modérées : le fort lessivage hivernal a été compensé en partie par une minéralisation importante suite aux températures élevées en sortie d’hiver.

Prendre en compte la sensibilité variétale à la verse

Actuellement, il n’existe quasiment plus de variétés ultrasensibles à la verse grâce au travail des sélectionneurs et au progrès génétique. La plupart des variétés cultivées dans les Hauts-de-France présentent un bon comportement vis-à-vis de la verse, comme KWS Extase, Sanremo, Costello… (notées 7 ou 7.5). Mais attention toutefois à certaines variétés assez sensibles, telles que Boregar, Complice, Filon (notées 5.5), ou même Chevignon ou RGT Libravo (notée 6). Grâce aux dates de semis plutôt tardives et au tallage limité, il n’y a pas lieu de s’inquiéter cette année.

Figure 1 : Sensibilité variétale à la verse (cotation CTPS et ARVALIS) – mise à jour janvier 2020

Des conditions climatiques défavorables à la verse en ce début montaison

L’année s’annonçait très précoce en sortie d’hiver, avec des cumuls de températures très importants depuis le semis. Finalement, le retour d’un climat sec et frais depuis mi-mars a permis de freiner les cultures, qui avaient déjà atteint le stade épi 1 cm à la mi-mars pour les plus avancées. Pour les parcelles moins avancées, le stade épi 1 cm est atteint fin mars/début avril.

Les conditions climatiques entre le stade épi 1 cm et 1-2 nœuds sont déterminantes sur le risque verse final. Pour l’instant, le début de la montaison se déroule dans des conditions défavorables à la verse avec du rayonnement et peu de pluie depuis mi-mars. Ces conditions climatiques semblent se maintenir pour les prochains jours, avec un peu moins de gelées matinales. A suivre.

Figure 2 : Niveaux des températures et pluie depuis le 1er février 2020 à Villers-Saint-Christophe

Attention aux conditions d’applications

Les régulateurs agissent sur l’élongation des cellules de la tige, pour aboutir à des entre-nœuds plus courts ou à des parois plus épaisses (donc à des tiges plus solides). Pour accroître leur efficacité et limiter la phytotoxicité du traitement, les applications sont à réaliser sur des cultures en bon état, correctement alimentées en azote et dans des conditions climatiques favorables : temps poussant, lumineux et sans forte amplitude thermique (écarts inférieurs à 15-20°C) et ce dans les 3 à 5 jours suivant le traitement. Les applications devront donc être évitées en cas de risque de sous-alimentation azotée et de sécheresse prolongée, ou de gelées matinales.

Elodie GAGLIARDI (ARVALIS – Institut du végétal)
Anne-Sophie COLART (ARVALIS – Institut du végétal)
Thierry DENIS (ARVALIS – Institut du végétal)