Les traitement de semences, indispensables en cas de risque carie

La lutte contre la carie nécessite une forte vigilance vis-à-vis de la potentielle infection des semences (analyse sanitaire) et/ou du sol (parcelle ayant porté une récolte cariée ou à proximité d’une parcelle atteinte). Seul moyen de lutte envisageable : les traitements de semences.

Un seul grain carié contient des millions de spores, qui se disséminent à la récolte sur les grains, et donc sur les futures semences. Un semis de blé provenant de semences d’un champ comportant 1 % d’épis cariés (1 % de pertes de rendement) peut développer plus de 60 % d’épis cariés. Les spores disséminées dans l’air à la faveur de la récolte vont de plus contaminer le sol, sur plusieurs centaines de mètres – et plusieurs années -, ainsi que le matériel agricole.

Tilletia caries, le champignon responsable de la carie

La carie commune du blé (Tilletia caries ou Tilletia foetida) est une maladie fongique qui touche essentiellement le blé tendre. D’autres espèces s’avèrent sensibles telles que le blé dur et l’épeautre.

La carie est essentiellement transmise par la semence via des grains boutés (grains sains avec des spores de carie en surface), mais se transmet également par le sol où les spores peuvent s’y conserver 5 ans, voire plus en conditions sèches.


Photo 1 : Grains cariés (à droite) et sains (à gauche)


Photos 2 et 3 : Epis cariés ébouriffés (à droite) comparés aux épis sains (à gauche)

Les plantes contaminées sont plus courtes et l’épi adopte une couleur bleutée et un aspect « ébouriffé ». Les grains malades ont quant à eux une couleur vert olive puis brune, et sont moins allongés et plus ronds que les grains sains.

La carie sporule dans les grains de blé et la masse des spores prend la place de l’amidon. Les grains, impropres à la consommation animale ou humaine, sont déclassés et doivent être détruits. Ces grains dégagent une odeur nauséabonde de « poisson pourri » caractéristique de la maladie. En plus d’avoir produit une culture non marchande, il y a contamination de la semence et du sol par le pathogène.

Le processus de contamination est rapide : les spores contenus dans la semence et dans le sol vont germer en même temps que le blé et donner naissance à un mycélium qui va pénétrer la plantule, progresser asymptotiquement jusqu’à l’épiaison, pour finalement s’introduire dans les grains où il va sporuler. Plus les conditions de levées sont lentes (sol motteux, températures froides…) mieux la carie s’implante.

La virulence de la propagation est importante : un grain carié contient entre 4 et 9 millions de spores, et la contamination d’un grain sain se fait à partir de 30/40 spores.

Si l’année N la contamination est évaluée à 1 quintal sur la parcelle, l’année suivante elle est de 60 quintaux avec la semence issue de l’année précédente.

En cas de contamination, il faut nécessairement récolter le blé carié en dernier pour éviter toute contamination des cultures voisines par dissémination anémophile (par le vent). Un brûlage de la parcelle est souhaitable lorsqu’une dérogation préfectorale est autorisée.

Il faut également bien nettoyer le matériel de récolte qui a été en contact avec les grains contaminés (moissonneuse batteuse ou bennes).

Comment lutter ?

Vis-à-vis de la carie commune du blé, il n’existe aucune méthode de lutte curative en végétation. Il est indispensable de recourir à des traitements de semences efficaces et de les utiliser à bon escient pour éviter de déployer cette maladie très préjudiciable.

Une forte contamination des semences (détection de spores à l’œil nu ou même à l’odorat) rend le semis rédhibitoire. Une faible contamination (détectable par analyse sanitaire) peut être efficacement combattue par différentes spécialités qui offrent, en agriculture conventionnelle une protection quasi-totale (figures 1 et 2).

Figure 1 : Bilan de deux essais de lutte contre la carie (2017, ARVALIS / FNAMS), semences contaminées

Figure 2 : Efficacité de Celest Power sur sol contaminé et semences contaminées (2018, ARVALIS)

Ces spécialités toutefois présentent des efficacités plus variables en situation de sol contaminé (figure 3). Sur une parcelle ayant porté une récolte cariée (ou à proximité d’une parcelle atteinte), il est recommandé de privilégier les traitements contenant au moins une substance active fongicide à action systémique (par ex : Vibrance Gold, Redigo, Rancona 15 ME, voir tableau 1).

Figure 3 : Essai de lutte 2016 contre la carie commune, sol contaminé (Bretenières – 21)

En agriculture biologique (AB), le vinaigre, substance de base autorisée à 1 l/q (à diluer dans de l’eau 1 l/1 l), affiche une bonne efficacité vis-à-vis de semences contaminées par la carie. Elle n’est pas totale dans le cadre de nos essais à forte contamination mais permet cependant une réduction importante du risque. Cette désinfection des semences ne pourra pas lutter contre les spores de carie présentes dans le sol. Le traitement de semences Copseed (sulfate de cuivre tribasique) également autorisé en AB montre une performance proche de celle du vinaigre vis-à-vis de la contamination des semences. Son efficacité est très faible face à une contamination du sol.

En cas de sol contaminé, les alternatives sont de cultiver des espèces non affectées par la carie du blé (orge, avoine ou encore triticale) ; ou de privilégier des variétés de blé peu sensibles, avec des conditions de semis favorables à une levée rapide.

Tableau 1 : Différents moyens de protection disponibles pour protéger les semences

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