Maladies du blé : un risque en sortie d’hiver plus important que la normale

Que disent les modèles épidémiologiques sur le risque maladies en ce début de printemps ? Le point sur la rouille jaune, le piétin-verse et la septoriose des blés.

Rouille jaune : un risque climatique à relativiser

Le modèle ARVALIS Crustyello, utilisé dans différents outils d’aide à la décision (Baromètres, Previ-LIS, Taméo, Xarvio, Opti-protect), prend en compte la date de semis, la sensibilité variétale et plusieurs variables climatiques dont une estivale pour indiquer des dates de visites sur les parcelles.

Le risque d’apparition de la rouille jaune, estimé par le modèle au stade épi 1 cm pour une variété très sensible (note < 4), est bien plus faible que l’année de référence haute 2014, malgré des conditions climatiques automnales et hivernales très favorables (figure 1).

Néanmoins, ce modèle donne un risque un peu plus important sur variétés très sensible que lors de la dernière campagne 2018/2019 pour la bordure maritime Nord.

Figure 1 : Risque rouille jaune calculé par Crustyello au stade épi 1 cm pour une variété très sensible (note 1 à 3) semée à une date-type départementale en 2020 vs 2019 et 2014

Pour rappel, 2014 est le dernier millésime avec une pression rouille jaune très précoce et très forte.

Mais attention, en 2020, les variétés cultivées sont nettement moins sensibles à la rouille jaune qu’en 2014. Déjà en 2019, les variétés résistantes représentaient plus de 60 % de la sole.

Par ailleurs, les cumuls de pluie très élevés depuis l’automne ont perturbé l’implantation des céréales qui s’est parfois réalisée très tard. D’autre part, il y a eu très peu de repousses de blé l’été dernier à cause de la sécheresse et des températures élevées jusqu’à fin septembre. Ces constats expliquent que jusqu’à présent la rouille jaune s’est très peu manifestée dans la plaine malgré des conditions hivernales favorables.

La vigilance reste de mise notamment sur les variétés qui sont depuis peu contournées par la rouille jaune comme Amboise, Orloge, Rgt Distingo, RGT Lexio, et dans une moindre mesure Filon.

Piétin-verse : Un climat favorable qui invite aux observations

Les conditions climatiques depuis les semis rappellent celles de 2001, qui est la dernière grande année piétin-verse. En ce début de printemps, le risque climatique, calculé par le modèle TOP au stade épi 1 cm, est très élevé, supérieur à 2001, pour un semis du 25 octobre (figure 2). Le risque est moyen à faible pour les semis de fin novembre dans un grand nombre de régions (figure 3).

Figure 2 : Risque climatique piétin-verse, calculé par le modèle TOP, pour un semis du 25 octobre : 2020 vs 2019 et 2001

Figure 3 : Risque climatique piétin-verse, calculé par le modèle TOP, pour un semis du 30 novembre : 2020 vs 2019 et 2001

Cependant, ce modèle n’indique qu’une potentialité climatique de développement du piétin-verse et est calibré en considérant que l’inoculum n’est pas limitant. Le risque climatique TOP doit donc être complété par la prise en compte de la situation agronomique de la parcelle (potentiel infectieux, type de sol, niveau de résistance des variétés au piétin-verse). La grille de risque mise au point par ARVALIS permet de combiner les niveaux de risque agronomique et climatique pour évaluer le risque global à la parcelle (figure 4).

Figure 4 : Grille d’évaluation du risque piétin-verse sur blé tendre

Cette année, le risque global piétin-verse, au niveau national, est fort pour 4 à 5 % des parcelles, ce qui n’est pas exceptionnel. Dans ces situations (note de la grille > 8), il faut que par le passé il y ait eu une attaque de piétin verse sur la parcelle pour que l’inoculum puisse se développer cette campagne.

Les situations où le risque est intermédiaire (note entre 6 et 8) représentent plus de 55 % des parcelles cette année, ce qui est plus important que la normale. Pour ces parcelles, il est souhaitable d’aller observer la présence ou non de symptômes jusqu’au stade 1 nœud pour décider ou non d’une intervention spécifique. Cet indicateur devrait se révéler plus pertinent que d’habitude, du fait d’un climat favorable, les contaminations secondaires ont pu avoir lieu précocement entrainant des symptômes visibles sur les gaines.

Septoriose : un inoculum de sortie d’hiver important

Quant à l’inoculum de septoriose, il est à ce jour bien plus important que ces deux dernières campagnes (figure 5). En effet, les pluies contaminatrices de février très importantes ont engendré des symptômes sur les feuilles basses et les pluies de début mars ont encore accentué les contaminations.

Pour autant, ce sont les conditions climatiques rencontrées à partir de maintenant pour les régions les plus avancées en stade qui peuvent aboutir à un scénario d’attaque précoce ou non. Pour rappel, ce sont les conditions climatiques entre le stade 2 nœuds (au moment où la F2 définitive pointe) et la floraison qui sont déterminantes sur la nuisibilité finale de cette maladie, l’inoculum septoriose étant rarement limitant.

Pour le moment, les conditions anticycloniques sans pluie depuis le 15 mars, avec des températures fraîches ne sont pas favorables à un développement de la maladie, nécessitant un traitement précoce à partir du stade 2 nœuds. A surveiller sur les variétés les plus sensibles à la septoriose (note < 5,5).

Figure 5 : Inoculum de septoriose, calculé par l’outil Septo-LIS au stade épi 1 cm pour une variété de précocité de type Rubisko/Apache semée à une date-type départementale : 2020 vs 2019 et 2018

Concernant la rouille brune, nous ferons un point dans un prochain article.

Doriane HAMERNIG (ARVALIS – Institut du végétal)
Gilles COULEAUD (ARVALIS – Institut du végétal)