Pucerons à l’automne – Diminuer le risque JNO dès le semis des céréales

Pour que la présence de pucerons à l’automne se traduise par de fortes pertes de rendement en blé ou en orge, il faut un enchaînement de circonstances favorables à la Jaunisse Nanisante de l’Orge (JNO) durant la campagne. Pour abaisser le risque, les premiers leviers doivent être mobilisés dès le semis.

L’orge d’hiver est plus sensible à la JNO que le blé tendre. Sur orge, cette maladie virale entraîne assez fréquemment des pertes de plantes et d’épis ; sur blé, la JNO apparaît plus tardivement et affecte plus généralement le remplissage des grains. A situations comparables en termes de localisation géographique et de date de semis, la nuisibilité de la JNO est environ 2 à 3 fois plus élevée sur orge d’hiver que sur blé tendre d’hiver. Il n’en demeure pas moins que la protection contre cette virose ne doit pas être négligée sur blé tendre.

Quelle que soit l’espèce de céréale cultivée, les pertes varient beaucoup selon les campagnes et les régions/localisations : de 0 à 100 % sur orge, de 0 à 50 % sur blé.

Une nuisibilité liée à un enchaînement de conditions favorisantes

Cette variabilité est notamment liée au stade de la culture lors de l’infestation par les pucerons, à leur abondance et à leur temps de présence dans la parcelle. Des conditions favorables à la multiplication et à la dispersion des pucerons favorisent une transmission des virus à un plus grand nombre de plantes.

Ensuite, les conditions hivernales influencent la multiplication du virus dans les plantes. Une croissance continue des plantes au cours de l’hiver est favorable à la multiplication des particules virales dans les plantes. Au contraire, une période de froid ne sera favorable ni au développement des plantes, ni à l’activité des virus.

Enfin, les symptômes et dégâts sont liés à la quantité de virus dans la plante, à leur agressivité (plusieurs virus existent) mais aussi à l’exposition concomitante de la plante à d’autres stress d’ordres climatique, alimentaire ou biotique qui interviennent sur des plantes déjà affaiblies par les virus.

Ces éléments permettent d’expliquer pourquoi certains automnes favorables à de fortes abondances de pucerons n’induisent pas forcément de forts dégâts de JNO si les conditions hivernales sont peu favorables aux virus. En revanche, une infestation de pucerons relativement limitée peut avoir de fâcheuses conséquences dans le cas d’un enchaînement d’évènements favorables aux virus et défavorables à la plante (stress supplémentaires).

Toutes les régions ne sont pas soumises aux mêmes conditions climatiques et chacune doit gérer le risque en tenant compte du climat. Il existe cependant deux leviers pour diminuer les risques de JNO : la date de semis et le choix de la variété en orge d’hiver.

La date de semis est un levier pour limiter le risque, mais pas une solution

Les semis les plus précoces rencontrent plus souvent des conditions favorables aux insectes vecteurs de viroses. Ceci explique pourquoi la proportion de parcelles présentant une forte intensité de virus de la JNO est fréquemment plus élevée pour les semis plus précoces et diminue lorsque les semis sont plus tardifs. Par conséquent, les semis plus tardifs limitent la transmission de virus aux plantes, mais le risque de viroses demeure présent. Les enquêtes pluriannuelles (Bayer/Inra/ARVALIS) montrent que le virus de la JNO est quand même détecté en cas de semis réalisés après les dates optimales recommandées : dans 30 % des parcelles de blé et jusqu’à 40 % des parcelles d’orge d’hiver (figure 1).

Figure 1 : Fréquence et intensité de la détection des virus BYDV de la JNO en lien avec la date de semis

Données France entière, 2002 à 2015, source enquêtes Bayer / Inra / ARVALIS

Il ne faut donc pas anticiper les périodes de semis préconisées dans chaque région par ARVALIS. Choisir les dates les plus tardives de la plage recommandée (avec des variétés adaptées) permet de limiter une exposition excessive des cultures aux pucerons et aux cicadelles et de réduire, dans une certaine mesure, le risque de viroses. Mais cette précaution ne permet en aucun cas de faire complètement disparaître le risque. Un semis tardif n’affranchit donc nullement à la surveillance des cultures à l’automne et à la lutte insecticide en végétation si nécessaire. Cette dernière peut s’avérer plus efficace sur semis tardif que sur semis précoce, car elle s’applique généralement sur des populations plus faibles de ravageurs.

Figure 2 : Plage de dates de semis possibles et optimum par région – Guide de culture du blé tendre (ARVALIS)

Les variétés d’orge d’hiver tolérantes à la JNO offrent une protection robuste

Plusieurs variétés d’orge d’hiver sont tolérantes à la JNO. Les pucerons peuvent coloniser les plantes de ces variétés, leur transmettre le virus de la JNO et occasionner quelques symptômes de JNO (décolorations de bouts de feuilles). Mais les pertes de rendement liées à cette virose sont négligeables par rapport à des variétés sensibles qui, dans les mêmes conditions, peuvent perdre plus de 50 % de rendement (figure 3).

Il est donc recommandé de semer ces variétés sans anticiper sur les dates optimales de semis et de ne pas appliquer de protection insecticide en végétation (même si quelques pucerons peuvent être observés à l’automne). En revanche, aucune de ces variétés n’est tolérante à la maladie des pieds chétifs (virus WDV) transmise par les cicadelles, ce qui impose de surveiller la présence de ces ravageurs et d’intervenir si nécessaire.

A ce jour, aucune variété de blé tendre tolérante ou résistante à la JNO n’est disponible en France.

Figure 3 : Essai Variétés-JNO ARVALIS à Livron sur Drome (26), photos du 8 avril 2020 (non traité insecticide) et perte de rendement (comparativement au traité insecticide)