Orges d’hiver : la récolte 2015 établit un nouveau record de production

epis d'orge d'hiverLa récolte des orges d’hiver s’est réalisée, rapidement, dans d’excellentes conditions, fin juin dans le sud et le centre jusqu’à mi-juillet dans les zones tardives du nord de la France.
Selon les dernières prévisions, avec près de 9.6 millions de tonnes, la production d’orges d’hiver 2015, tous débouchés confondus, détrône l’ancien record de 2009 de 7%. Pour mémoire, cette production 2015 est supérieure à celle de 2014 de près de 15% et de celle de la moyenne quinquennale de 30% !

Certes, avec près de 1,3 million d’hectares, les surfaces sont parmi les plus importantes enregistrées au cours de ces dernières années mais surtout l’espèce établit un nouveau record de rendement national d’environ 74 q/ha, supérieur de 4 q/ha à l’ancien obtenu en 2004. Les régions du nord (95 à 100 q/ha) et de l’est (72 à 82 q/ha) de la France sont les principales actrices de ce record.

Figure 1 : Evolution des surfaces et rendement en orges d’hiver et escourgeons en France (Source : Agreste)

Evolution des surfaces et rendement en orges d’hiver et escourgeons en France

Les variétés préférées des Malteurs – Brasseurs représentent environ 35% des emblavements d’orges à l’automne. Depuis trois ans, le paysage variétal brassicole a beaucoup changé. Esterel, Arturio et Azurel ont définitivement laissé la place à Etincel, Isocel et Casino. Outre un potentiel de rendement significativement supérieur, ces variétés 6 rangs hiver brassicoles se caractérisent pas un calibrage plus élevé mais aussi des teneurs en protéines assez modestes. Les conditions de culture enregistrées en 2015 extrêmisent ces critères : les calibrages sont élevées (autour de 90%) et les teneurs en protéines plutôt dans le bas de la fourchette du cahier des charges des Malteurs et Brasseurs (entre 9.5 et 10.0%). Dans ces conditions, ces orges d’hiver devraient pouvoir contribuer significativement à l’alimentation du marché brassicole.

Néanmoins, sur le marché spécifique des orges brassicoles, ces tendances ne permettent pas encore d’avoir une vue précise de la situation globale, très dépendante des résultats de rendements et de la qualité des orges de printemps, aujourd’hui un peu en retrait et très irréguliers selon les régions, semble-t-il. Enfin, les PS sont bons en moyenne autour de 68-69 kg/hl.

Au cours de la campagne 2014 – 2015 les orges d’hiver, grâce à leur précocité intrinsèque, ont globalement esquivé sécheresse et chaleur enregistrées en fin de campagne sur les grandes régions productrices.

Une succession d’évènements favorables

Base de la réussite d’une orge d’hiver : s’implanter tôt en bonnes conditions. Après plusieurs automnes au climat chaotique, la majorité des semis sont précoces puis lèvent dans la foulée grâce à un retour des pluies et sous un régime de températures douces. Les conditions sont réunies pour réaliser des désherbages précoces, globalement réussis, avec des produits racinaires.

D’abord très précoce jusqu’à la mi-janvier, la végétation se calme significativement en sortie d’hiver et début de printemps sous l’effet du froid. Souvent présente dans l’est de la France, la mosaïque se fait discrète cette année. Le stade épi 1 cm arrive à une date proche de la médiane, contrairement aux années précédentes au climat plus chaotique. Sous un régime hydrique alternant périodes sèches et pluvieuses, les apports d’engrais azotés sont bien valorisés. Plus remarquable sur la période de fin tallage, est enregistré un rayonnement record toujours favorable à la mise en place d’un grand nombre d’épillets / épi. L’épiaison arrive, toujours à une date médiane, au tout début mai sous un climat particulièrement pluvieux. Pour autant, la pression des maladies reste plutôt modeste tout comme le risque de verse. Les peuplements d’épis / m² se sont pas pléthoriques mais non limitants.

Le remplissage des grains se réalise sans gros coups de chaleur et sous un grand soleil, gage de gros Poids de Mille Grains (PMG), en particulier pendant la phase déterminante de mise en place de la taille des enveloppes, de la floraison au stade grain laiteux. Enfin, lorsque que des températures caniculaires font leur apparition autour de la Pentecôte, dans la majorité des situations la maturité physiologique des grains est en passe de s’achever.

Encore une fois, cette espèce précoce esquive l’échaudage, contrairement aux blés et encore plus les orges de printemps.

Quelques inquiétudes passagères ou localisées

Si on reprend la chronologie de la campagne, c’est d’abord la mauvaise sélectivité des herbicides appliqués à l’automne qui interpelle. Mais sous l’effet de la douceur des températures, les effets sont de courte durée et les efficacités sont bonnes. Encore plus cette année que d’autres, ne se baser que sur une intervention de sortie hiver conduisait souvent à des échecs sur vulpins et ray grass d’autant plus que les conditions climatiques étaient froides, chaotiques et venteuses fin février à mi-mars.

Plus inquiétante est la période de sécheresse qui s’installe du 1er mai jusqu’à la mi-juin, soit globalement pendant la période de remplissage des grains. Bien que la chaleur n’affecte que la toute fin de mise en place du PMG, les orges d’hiver fanent très vite, tout particulièrement dans les milieux les plus séchants. Dans ces milieux, les transferts de réserves des feuilles vers les grains sont contrariés.

De grands épis habités par des gros grains, mais avec des teneurs en protéines modestes

Sur la base des essais pluriannuels « mode d’élaboration du rendement » réalisés par ARVALIS – Institut du végétal dans les principales régions productrices, la campagne 2014 – 2015 se distingue par :
– Un rendement élevé, relativement à l’histoire, combinant un nombre de grains / m² non limitant et un positionnement au-dessus de la régression « rendement x grains » grâce à un PMG élevé relativement au nombre de grains / m².
– Plus que le nombre d’épis / m², c’est le nombre d’épillets / épis (ou grains / épi) qui est remarquable, eu égard au nombre d’épis / m².
– Plus spécifiquement du côté des orges brassicoles, un calibrage élevé, corrélé à un gros PMG, mais des teneurs en protéines modestes, par effet de dilution. Sur ce dernier critère, on est aussi en droit de s’interroger sur la gestion de la fertilisation azotée d’une nouvelle génération de variétés modernes.

Luc PELCE (ARVALIS – Institut du végétal)