Maïs fourrage : c’est parti pour la récolte dans le Nord !

mais fourrageC’est le début des récoltes du maïs fourrage en Nord-Pas-de-Calais, Picardie et Haute-Normandie, alors que les ensilages sont presque finis en Champagne-Ardenne. En grain, les chantiers démarrent également.
En Nord-Pas-de-Calais, Picardie et Haute-Normandie, août et septembre ont été favorables à la photosynthèse pour les maïs fourrages, donc au remplissage des grains, sans pénaliser l’appareil végétatif. Sauf difficultés de démarrage au printemps et accidents, le potentiel de rendement est bon, et la qualité devrait être au rendez-vous.

Par contre, en Champagne-Ardenne, le scénario climatique de cet été – fortes températures, absence prolongée de pluviométrie – a perturbé le fonctionnement des plantes et provoqué une sénescence rapide des maïs.

En Champagne-Ardenne, les récoltes des grains ont commencé dans le sud de la région. Et nous sommes aujourd’hui à quelques jours des premières récoltes de maïs grain dans les Ardennes et en sud Picardie….

Figure 1 : Prévisions des dates de récolte de MF (32 % MS) à partir des dates de floraison

date de recolte

La récolte est une étape importante de la conduite de la culture du maïs fourrage. Elle a pour objectif de conserver la quantité et la qualité produites au champ avec un minimum de pertes. Quelques rappels, non exhaustifs…

Dimensionner le front d’attaque

Dans le silo de maïs fourrage, les pertes interviennent surtout au front d’attaque, pendant l’utilisation de l’ensilage. Une élévation de température par rapport à l’air ambiant de 5°C, c’est 1,2 % de MS perdu par jour (en % de la masse échauffée). Une des conditions à respecter pour éviter les échauffements consiste à avancer le front du silo plus vite que la reprise des fermentations. Un avancement 10 cm par jour en hiver et de 20 cm par jour au printemps et en été permet généralement d’éviter les échauffements. Pour s’y tenir, la largeur et la hauteur des silos doivent être adaptées non seulement à la taille des troupeaux, mais aussi à la part de maïs dans la ration et à la saison d’utilisation. Rappelons que la densité de l’ensilage est d’environ 230 kg de MS par m3 en silo couloir (silo bien confectionné).

Veiller à la cohérence du chantier

Le chantier est un tout : coupe et hachage au champ, transport sur route et tassement au silo. Les ensileuses sont aujourd’hui puissantes et rapides. C’est pourquoi, pour de nombreux chantiers, le temps nécessaire de tassement est devenu le facteur limitant, surtout si le taux de matière sèche est élevé. Voir plus loin… Si nécessaire, prévoir deux silos à remplir en même temps, donc deux tracteurs tasseurs.

Maîtriser la finesse de hachage

Le hachage a deux objectifs apparemment contradictoires : hacher fin pour faciliter le tassement du silo, et laisser des brins assez longs pour la mastication des vaches. Le tamis secoueur est un outil efficace pour juger la finesse de hachage.

hachage mais

Les gros morceaux (> 20 mm) sont indésirables car ils gênent le tassement du silo, et provoquent des refus à l’auge qui entraîne une baisse de consommation des vaches. La présence de plus de 1 % de gros morceaux (soit le contenu d’un gobelet pour un seau de 10 litres) traduit un défaut de réglage ou d’entretien de l’ensileuse. Concernant les particules moyennes (de 10 à 20 mm), il faut viser 10 % à l’auge. Moins il y a de particules moyennes, meilleur est le tassement, surtout si la teneur en MS du maïs dépasse 35 %.

La longueur des particules n’est pas le principal facteur de maîtrise de l’acidose. Il faut d’abord veiller à la composition de la ration dont le taux d’amidon ne doit pas dépasser 28 % de la MS pour des vaches laitières en première moitié de lactation. La coupe des particules doit être franche et nette, ce qui nécessite l’affûtage régulier. L’amidon vitreux des maïs à plus de 32 % de MS a besoin d’être fractionné pour que sa digestion soit optimisée : c’est le rôle des éclateurs de grains sur les machines.

Eviter la terre dans le silo

La terre apportée par les roues des tracteurs et des remorques est une source de spores butyriques qui polluent les silos. Même si ces germes ont peu de chances de se multiplier dans le maïs, l’ensilage peut alors contaminer les bouses et le lait lors de la traite. Pour éviter ce risque, préférer les silos en sol bétonné, les zones de circulation proches du silo en terrain stabilisé (empierrement, sols goudronnés…). Les tracteurs qui vont au champ ne montent pas sur le silo…

Tasser pour enfermer le moins d’air possible dans le silo

Plus le maïs fourrage est récolté vert et humide, moins le silo tassé conserve de porosité, et plus vite le peu d’oxygène retenu dans le silo est consommé par la respiration du végétal et l’activité microbienne. On estime qu’à 30 % de MS, l’on enferme environ 1 litre d’air par kg de matière sèche. En 3-4 heures il n’y a plus d’oxygène dans le silo et le processus de fermentation démarre rapidement.

En revanche, quand le maïs fourrage est plus sec (plus de 35 % de MS), chaque m3 du silo est plus difficile à tasser. L’air enfermé dans le silo représente 2 à 4 litres par kg de matière sèche, et beaucoup plus en haut du tas. Les cellules encore vivantes du maïs fourrage sont moins actives : il faut donc beaucoup plus de temps pour épuiser l’oxygène enfermé (3 à 5 jours). Pendant ce délai, les bonnes fermentations lactiques ne démarrent pas, mais les levures et moisissures se multiplient. Si le silo est bien hermétique leurs activités s’orientent vers une vie ralentie et cessent d’échauffer le silo… mais, plus tard, en présence d’air (trou dans la bâche, front d’attaque) les dégradations reprennent de plus belle : c’est la principale cause de pertes de matière sèche lors de la conservation du maïs fourrage.

Comment faire pour avoir un tassement suffisant ?

Aujourd’hui, on communique sur le chiffre de « 400 kg par tMS » : il faudrait 400 kg de matériel tasseur sur le silo par tonne de MS qui entre dans le silo en une heure. Compte tenu de la performance des ensileuses et des maïs, il devient nécessaire d’avoir deux tracteurs sur le silo, ou de remplir alternativement deux silos. Une ensileuse qui fait 2 à 3 ha à l’heure d’un maïs qui produit 14 à 17 tMS/ha récolte 35 à 40 tMS à l’heure. Il faudrait donc 14 à 16 t de matériel sur le tas, soit deux tracteurs… C’est la pression qui tasse, donc diminuer la largeur et augmenter la pression des pneus. Attention à maintenir suffisamment d’adhérence pour monter sur le tas. Rouler à 3-4 km/h sur le tas.

Au début du chantier, construire le tas en cuvette en remontant le fourrage sur les parois pour en faciliter le tassement. En fin de silo, bien tasser la couche de fourrage superficielle qui est plus en contact avec l’air pour limiter le risque levures et moisissures. Par contre, tasser longuement en fin de silo ne tassera pas plus en profondeur.

Faut-il utiliser un « conservateur » ?

Le maïs est une plante fourragère bien adaptée à l’ensilage grâce à sa teneur en matière sèche à la récolte qui limite l’écoulement de jus, et à sa composition chimique – sucres en quantité suffisante, protéines et matières minérales en faibles quantités – qui permet naturellement une acidification rapide. Quand la porosité du silo est maîtrisée par un bon tassement, l’incorporation de conservateur dans l’ensilage n’est pas nécessaire. Appliquer donc les bonnes pratiques de confection du silo.

L’application d’un additif d’ensilage « anti-moisissures » peut être utile quand on sait d’avance que la porosité sera trop élevée, quand par exemple la récolte s’est faite à plus de 35 % de MS. Le « conservateur » ne corrigera pas les défauts de confection du silo, il en limitera les conséquences. Quand le conservateur a un effet, il se manifeste par un allongement du temps de stabilité à l’ouverture de l’ensilage (échauffement plus tardif…). Les bactéries lactiques hétérofermentaires (ex : Lactobacillus buchneri) répondent à cette attente. Elles sont capables de synthétiser de l’acide lactique mais également de l’acide acétique. L’acide lactique permet d’abaisser le pH tandis que l’acide acétique inhibe les levures et les moisissures, notamment à l’ouverture du silo. Quant au sel, son incorporation a pour seul effet de limiter la multiplication des bactéries butyriques dans des zones de condensation à la surface des silos. A limiter à la couche de surface.

Prendre un échantillon

Pendant la récolte, il faut prélever le (ou les) échantillon(s), dont l’analyse est utile pour évaluer la quantité de fourrage stocké et ensuite la consommation du troupeau, ainsi que pour ajuster la complémentation. La principale qualité d’un échantillon, c’est d’être représentatif de la parcelle ou du silo dont il est issu. Pour ce faire, effectuer plusieurs prises tout au long du chantier. Déposer au plus tôt l’échantillon au laboratoire, ou le congeler.

Fermer le silo : mettre le fourrage à l’abri de l’air du premier au dernier jour

L’absence d’oxygène, le plus tôt possible, est une condition nécessaire pour que les fermentations se déroulent bien. Tout renouvellement de l’oxygène relance les fermentations indésirables et les échauffements. Le jour de la récolte, la fermeture du silo doit donc être la plus hermétique possible.

On utilisera des bâches de qualité en termes de caractéristiques géométriques (largeur, régularité de l’épaisseur), de caractéristiques mécaniques (résistance à la perforation ou à l’étirement), de seuil maximal de microporosité et de tenue dans le temps de ces qualités, face à l’exposition aux ultraviolets du soleil.

La liaison au sol et aux murs (dans le cas de silo couloirs) doit être parfaite, assurée par un cordon continu tout autour du silo (bourrelet de sable, sacs remplis de sable ou de gravier). Le contact avec le fourrage sur toute la surface sera assuré par des masses régulièrement réparties. Des sacs en toile de polypropylène remplis de sable bien répartis remplacent avantageusement les pneus jointifs placés sur la bâche. L’idéal serait une couche continue de matériaux sableux : outre la charge qui assure un tassement des couches superficielles, la couche continue permet une isolation thermique. On évite ainsi les entrées d’air consécutives à l’alternance de la chaleur du jour (dilatation de l’air) et du refroidissement de la nuit (aspiration d’air frais).

Peut-on se passer du film plastique ? En silos horizontaux, couloirs ou dalles bétonnées, la couverture « végétalisée » (semis de céréales sur le dessus du silo) occasionne des pertes importantes sur au moins 20 cm d’épaisseur. A proximité des usines de transformation des pommes de terre, le dépôt d’une couche de « purée-pelure » sur le tas de maïs peut apporter une protection efficace, améliorant le tassement… et comestible, pouvant être renouvelée pendant la durée de conservation du fourrage.

A l’ouverture du silo, limiter les entrées d’air dans le fourrage

A l’ouverture du silo, la gestion du front d’attaque, sans éboulements, sans vibrations et avec une avancée rapide, doit permettre de limiter au maximum la pénétration en profondeur de l’air qui réactiverait d’autant plus les fermentations. Conserver un cordon continu à la verticale du front d’attaque pour limiter l’entrée d’air sous la bâche.

stock fourrage

Quid du charbon commun ?

Suite aux conditions climatiques de cet été, ou suite à un orage de grêle, il peut y avoir présence de charbon commun (Ustilago maydis) sur les plantes. C’est peu fréquent. Le charbon commun n’est pas toxique pour les animaux, il peut cependant entraîner une moindre appétence du fourrage quand il y est présent en grande quantité. Il n’y a pas de précaution particulière à prendre lors du chantier de récolte si ce n’est de réaliser le silo selon les bonnes pratiques. A l’ouverture du silo, si présence et comme pour les autres champignons, on retirera les zones moisies avant distribution.

Bertrand CARPENTIER (ARVALIS – Institut du végétal)