Avec la chaleur, la montaison des céréales s’emballe

La séquence estivale de cette semaine donne un coup d’accélérateur au développement des céréales à paille. Le point sur les stades actuels et à venir.

Après un mois de mars particulièrement frais voire froid, et toujours humide, la situation météorologique s’est progressivement rapprochée de conditions normales début avril, jusqu’à devenir franchement estivales cette semaine.

Cette remontée des températures, associé à de l’ensoleillement et très souvent de l’eau et de l’azote non limitants, devrait avoir des conséquences très positives sur les cultures.

Les variations de températures pendant l’hiver ont généré d’importantes différences de précocité à épi 1 cm entre variétés, dates de semis, régions. Ces différences ne s’estompent pas actuellement, et pourraient encore s’accentuer à l’échelle du territoire au gré des fortes fluctuations de températures en cours.

Aujourd’hui, les stades des blés tendres s’étalent de « dernière feuille pointante » (DFP) / « dernière feuille étalée » (DFE) dans le tiers Sud, à 1 nœud (1N) dans le quart Nord-Est. Le stade 2 nœuds (2N) a en moyenne été atteint à une date assez proche de la moyenne pour les parcelles de précocité médiane (c’est-à-dire en écartant les situations les plus extrêmes d’une région).

Figure 1 : Ecart par rapport à la moyenne pluriannuelle de la date d’atteinte du stade 2 nœuds des blés en 2018

Un coup d’accélérateur pour la sortie des feuilles

Cependant, la situation est en train de changer : la séquence climatique quasi-estivale en cours apporte un véritable coup d’accélérateur. Pendant environ 1 semaine, les températures moyennes journalières vont être très significativement supérieures à la moyenne saisonnière : +5 à +7°C.

A la différence d’espèces de printemps qui réagissent à cette époque encore beaucoup à la température du sol (avec une inertie plus marquée), les céréales d’hiver voient leur développement essentiellement influencé par la seule température de l’air, voire du couvert. L’anomalie de température en cours (18 au 23 avril) va donc avoir un effet très net sur les cultures. En l’espace de 10 jours, le cumul de températures moyennes sera environs de 50 à 60°C supérieur à la normale, ce qui correspond à un ½ phyllotherme environ.

Figure 2 : Ecart de cumul de température (base 0°C°) entre le 15/04 et le 25/04, pour 2018 par rapport à la moyenne pluriannuelle

Il va donc y avoir une accélération nette (en jours calendaires) de la sortie des feuilles, et donc une arrivée anticipée des stades suivants.

Toujours sur la base de nos simulations, l’intervalle 2N – DFP serait cette année 3 jours plus court qu’en année moyenne (10 jours plutôt que 13 en moyenne) ; cette accélération sera particulièrement marquée dans le grand quart Nord-Est, où l’anomalie de température est forte, et les cultures sont en train de basculer progressivement de 1-2 nœuds vers DFP.

Figure 3 : Ecart par rapport à la moyenne pluriannuelle de la date d’atteinte du stade dernière feuille pointante en 2018

La tendance à l’accélération des stades va évidemment toucher les orges d’hiver : atteinte imminente des stades « dernière feuille » voire « sortie des barbes » en courant de semaine prochaine. Quant aux blés durs, ils devraient atteindre le stade DFP d’ici quelques jours pour les secteurs Beauce et Pays de la Loire, et DFE pour les secteurs plus au Sud.

La sortie rapide des dernières feuilles des couverts va avoir une interaction forte avec le risque maladies : les pluies du mois dernier laissent craindre de nombreuses contaminations. Par contre, la sortie rapide d’un ou deux étages foliaires par temps sec, sans contamination supplémentaire, pourrait permettre aux plantes de prendre temporairement de vitesse la progression des maladies.

Jean-Charles DESWARTE (ARVALIS – Institut du végétal)