Maladies foliaires des orges d’hiver : quelle nuisibilité et quels moyens de lutte ?

Les orges d’hiver et escourgeons surprennent tous les ans par la rapidité de la montée des maladies dès lors que les températures augmentent. La nuisibilité moyenne des maladies est d’environ 15 q/ha variant de 5 à 25 q/ha en fonction des années et des variétés. Parmi les leviers agronomiques disponibles, la résistance variétale reste de loin le moyen le plus efficace pour limiter les maladies inféodées aux orges. Il apparaît souvent que la date de la première intervention fongicide est primordiale. Il est conseillé de protéger les parcelles dès le stade 1 nœud, pour ne pas « courir », plus tard, après la montée de l’helminthosporiose qui est la maladie principale sur le feuillage.

Les principales maladies des orges sont l’helminthosporiose, la rhynchosporiose, la rouille naine, l’oïdium. Ces maladies évoluent souvent en cortège avec des taches brunes parasitaires ou liées à des stress climatiques, grillures polliniques… Les caractéristiques de l’orge et de ses maladies sont une progression rapide des stades d’une part, et une évolution rapide des symptômes d’autre part. Dans ce contexte, les seuils d’intervention et modèles sont pour l’instant peu pertinents. Seule la réactivité prime suite à une bonne reconnaissance des symptômes. Quelle nuisibilité des maladies et quelles stratégies de lutte à adopter en conséquence ?

Les maladies

Helminthosporiose : la maladie la plus importante sur orge

Cette maladie est présente partout en France avec les dégâts les plus sévères dans le cortège des parasites foliaires. Les symptômes font appel à toutes sortes de symptômes avec toujours un gradient d’intensité du bas vers le haut de la plante. Le type « réseau » le plus fréquent se présente sous la formation de nécroses caractéristiques en « mailles de filet » entourées de halos jaunes de dimensions variables. Le type « taches brunes » correspond à des nécroses brun clair à brun foncé, entourées d’une chlorose de différentes formes : linéaires, rectangulaires plus ou moins arrondies voir ovale. Des confusions sont possibles avec des taches d’origine physiologique (stress climatique), localisées en haut de plantes principalement. Des températures relativement chaudes (15-20°C) permettent une bonne implantation de la maladie. La pluie permet la dissémination des spores. La progression de la maladie des feuilles du bas vers le haut se fait grâce aux pluies et au vent.

Rhynchosporiose

La rhynchosporiose se retrouve partout en France. Les premiers symptômes observés se présentent sous forme de taches verdâtres ovales et évoluent ensuite vers une teinte gris-blanchâtre à partir du centre. Les taches sont délimitées par un contour brun foncé. Elles finissent par se rejoindre et s’imbriquer les unes dans les autres. Cette maladie apparaît souvent en foyers. Il y a peu de confusions possibles avec d’autres maladies. La sporulation et le développement des symptômes se fait par temps frais et avec des précipitations répétées. Au printemps, les pluies dispersent les spores aux étages supérieures, avec une concentration de plus en plus faible vers le haut. Une élévation des températures vers la fin de la montaison ralentit le développement de la maladie.

Rouille naine

La rouille naine de l’orge montre un développement et des symptômes identiques à la rouille brune sur blé. Des pustules orangées à brunes sont disposées aléatoirement. Ces pustules déchirent l’épiderme de la feuille et laissent échapper une poudre brune (spores rondes et légères) facilement transportable par le vent. Des températures moyennes et une bonne hygrométrie permettent l’implantation et le développement de cette maladie. La dissémination est réalisée par le vent.

L’oïdium

L’oïdium est une maladie très facilement reconnaissable par son feutrage blanc. L’installation des plantes peut être affectée par la présence de cette maladie. Elle est présente partout en France, mais on la retrouve plus fréquemment au nord et à l’est. L’observation des symptômes est réalisée à partir du stade « épi 1cm ». En premier lieu, ils sont observés à la base des tiges, puis le champignon se propage aux feuilles. Il se développe principalement à la surface des feuilles. C’est un parasite qui réside à l’extérieur de la feuille et qui émet des suçoirs pour se nourrir. Il prolifère rapidement et sporule sous forme de « touffes » blanches. Les fortes pluies empêchent la germination et la dissémination des spores en les entrainant vers le sol où elles sont inactivées.

Les références expérimentales

Une nuisibilité moyenne de 15 q/ha

La nuisibilité des maladies sur orge est déterminée à partir des essais d’évaluation des fongicides et des essais d’évaluation des variétés au travers de l’écart traité fongicides – non traité fongicides. Elle est de 15 q/ha en moyenne variant de 5 à 30 q/ha selon les années.

Figure 1 : Nuisibilité des principales maladies sur orge d’hiver (Essais fongicides pluriannuels ARVALIS – 2001-2012)

La résistance variétale est un levier de choix
La nuisibilité varie de façon importante en fonction des variétés plus ou moins sensibles au cortège de maladies et taches sur orge. Ainsi le choix d’une variété plus tolérante permet d’abaisser la pression parasitaire en moyenne de 6 q/ha. Une synthèse actualisée tous les ans (publiée dans les éditions régionales Choisir et Décider 1) permet également de classer la sensibilité des variétés vis-à-vis des principales maladies de l’orge.

Figure 2 : Nuisibilité des principales maladies sur orge d’hiver en fonction de la sensibilité variétale (Essais variétés pluriannuels ARVALIS – 2001-2012)

L’effet « année » sur la nuisibilité est également assez fort. Il y a environ 12 q/ha entre une année à faible nuisibilité et une année à forte nuisibilité. L’observation dans le temps des notes de résistance des variétés inscrites sur le catalogue français illustre aussi les progrès accomplis sur les maladies foliaires des orges par les sélectionneurs. Ces progrès sont également perceptibles dans la réponse moyenne à l’utilisation des fongicides (écart T-NT) qui, sur la dernière décennie, a baissé en tendance de 0,3 q/ha/an.

Des facteurs agronomiques et climatiques favorables
Une étude bibliographique réalisée par ARVALIS (Marie HENAUT, 2012) situe l’importance relative de la lutte agronomique et génétique au regard de la lutte chimique chiffre les enjeux. Cet état des lieux a permis d’évaluer l’impact de chaque décision technique sur la pression des principales maladies des orges. Chaque maladie ayant son propre développement, les réponses prophylactiques les plus adaptées ne sont pas les mêmes selon les pathogènes. Après le climat, la variété est le premier moyen de lutte pour maîtriser la pression parasitaire des orges.

Des seuils d’intervention définis
Dans le contexte de la protection des orges (progression rapide des stades et évolution rapide des symptômes), les seuils d’intervention et modèles sont pour l’instant difficiles à établir. Le déclenchement d’un traitement suite à la reconnaissance des symptômes est actuellement la seule mise en œuvre efficace.

Recommandations :
A partir du stade 1 nœud, compter les 3 feuilles supérieures bien dégagées de 20 tiges principales, soit 60 feuilles. Comptabiliser l’ensemble des taches de rhynchosporiose et d’helminthosporiose sur ces 60 feuilles. Si la somme des feuilles atteintes par l’une et l’autre des maladies dépasse 10 ou 25 % (selon la sensibilité variétale), le seuil est atteint.

Des essais « positionnement » des traitements
Le positionnement précoce des fongicides est primordial sur orge. 15 essais ont été conduits récemment de 2007 à 2009 pour identifier les meilleures stratégies en termes de nombre et de dates de passages. Les conclusions sont :
– en pression faible (10 q/ha), le traitement unique autour du stade dernière feuille/sortie des barbes peut suffire.
– en pression modérée à forte (>15 q/ha), le déclenchement autour du stade 1 nœud relayé au stade sortie des barbes donnent les meilleurs résultats.

Les essais matières actives
Chaque année, des essais « comparaisons de matières actives » permettent de classer les différentes matières actives fongicides en fonction des doses appliquées et de la pression parasitaire à contrôler (résultats diffusés dans dépliants annuels et brochures régionales annuelles).

Ce tableau d’efficacité des matières actives sur les maladies principales des orges est actualisé et publié tous les ans dans les brochures Choisir et Décider 2 avec les résultats annuels d’expérimentation ou dans les dépliants.

Des optimum permettant d’orienter la stratégie
Des essais annuels « courbe de réponse » aux fongicides sont réalisés pour estimer la nuisibilité finale et l’optimum d’investissement fongicide calculé a posteriori. Cet optimum d’investissement peut se calculer pour différents prix des orges et permettre d’appréhender la dépense fongicide théorique en fonction de la nuisibilité attendue (les résultats sont diffusés annuellement dans les brochures régionales Choisir et Décider 2).

Une enveloppe fongicide selon la nuisibilité attendue
La stratégie de lutte s’adapte en fonction de la pression maladies attendue (nuisibilité moyenne) et le prix des orges. Le tableau ci-dessous présente un ordre de la dépense fongicide optimale théorique (€/ha) sur orge en fonction de la pression parasitaire attendue et sous plusieurs hypothèses du prix (16 à 27 €/quintal) – 48 essais 2006 à 2011 ARVALIS.

Tableau 1 : Dépense fongicide optimale théorique (€/ha) sur orge en fonction de la pression parasitaire attendue et sous plusieurs hypothèses du prix (16 à 27 €/quintal) – 48 essais 2006 à 2012 ARVALIS.

Au-delà du résultat donné par le tableau, il faut néanmoins rester attentif au fait que la protection fongicide a un effet marqué sur le calibrage. En conséquence, il serait hasardeux de ne s’en tenir qu’au simple calcul de rentabilité des fongicides sans penser qu’il faut assurer une production d’orges de qualité brassicole.

Les préconisations d’Arvalis

Parmi les leviers agronomiques disponibles pour limiter le développement des principales maladies des orges, la résistance variétale reste de loin le moyen le plus efficace.

Connaître la nuisibilité des maladies dépend avant tout de l’année climatique, du secteur géographique et de la sensibilité variétale et permet d’adapter sa protection fongicide :
– Dans les zones à faible pression des maladies ou sur variétés peu sensibles aux maladies (<10 q/ha de nuisibilité), 1 seul traitement suffit en général autour du stade dernière feuille (produits et dose voir Choisir et Décider 2).
– Dans les zones à pression modérée à forte des maladies ou sur variétés sensibles, la stratégie la plus efficace consiste en 2 traitements : 1er passage au stade épi 1cm – 1 nœud et 2ème passage au stade sortie des barbes. Dans ces situations, il vaut mieux passer avec 2 petites doses d’un produit différent qu’une grosse dose en un seul traitement.